Les mots des règles

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L’expérience de mes règles n’a pas toujours été positive, avant de prendre la pilule j’avais beaucoup plus de douleur. Mais si je souhaite écrire maintenant, c’est que rarement les paroles autour de moi laissent entrevoir ce que peut avoir d’agréable ou de surprenant ou encore de complexe le rapport avec les menstruations, avec ce sang qui coule entre nos cuisses et qu’il faut cacher. Dès la puberté les règles nous sont expliquées comme un fardeau qu’il nous faudra endurer jusqu’à la ménopause. Le mot expliquer je ne devrais même pas l’utiliser parce qu’on en apprend si peu sur le cycle menstruel et les sensations qui s’y rattachent. Même entre femmes nous n’en parlons pas. Je crois que la personne avec qui j’en ai le plus parlé est une amie transexuelle qui s’interrogeait sur les sensations qu’avaient les femmes à l’intérieur de leur vagin. Elle m’a fait réaliser qu’en fait nous sommes souvent coupées, privées de ces sensations, qu’on ne leur prête pas de mots.

Voilà, pour moi les règles sont associées à un moment de repli vers mon corps, un moment où je ressens le besoin de prendre soin de lui. Envie de solitude, de chaleur, de rester couchée dans mon lit avec un livre et d’écouter la pluie. J’aime garder une main sur mon ventre, comme si je pouvais sentir de l’extérieur, ou protéger ce qui s’y passe. Je goûte ce repos. Je les sens arriver les règles, s’installer dans mon ventre. Plus sensible qu’à l’ordinaire, je ris de mes bouleversements devant de mauvais films. Avant je ne comprenais pas, je m’en voulais de mes tristesses pour rien, maintenant je les laisse venir et repartir, je les laisse me traverser et me faire vivre quelque chose de différent de l’ordinaire. Le sang m’empêche d’oublier mon corps, il coule tandis que je travaille, que je vis, il me tiraille le ventre, me rappelle quand je suis fatiguée, se dépose raide dans le bas de mon dos et me dit que je dois m’asseoir un instant.

Avant mon burn out, mes règles étaient devenues plus douloureuses. Et enrageantes. J’enrageais de ne pas avoir le temps de les vivre. Elles arrivaient et réclamaient le coocooning, le bon livre, la main sur le ventre, et je n’avais ni temps, ni énergie pour leur répondre, alors elles me passaient dessus et me laissaient encore plus fatiguée. Bien sûr elles avaient raison, ces règles qui réclamaient que je m’arrête.

Mon copain, quand je lui annonce que je vais avoir mes règles, il me regarde avec compassion. Je n’ai pas encore réussi à lui faire comprendre ce que cela signifie, que j’ai envie de rester collée sur lui, au chaud, avec sa main posée sur mon ventre, pas parce que j’ai mal, mais parce que c’est bon! J’aime faire l’amour lorsque j’ai mes règles, une chaleur m’irrigue de l’intérieur et j’ai l’impression d’être plus proche de lui, de fusionner avec sa peau.

Lourd, distendu, c’est ainsi que je sens mon ventre, comme s’il prenait de l’expansion par rapport au reste du corps. Les sensations de l’intérieur, je ne sais pas encore comment les décrire. Ce ne sont ni les sensations de la vessie, ni celles de la digestion, ni simplement de la douleur. C’est un territoire au cœur de mon corps que les mots n’ont pas défriché, un territoire de silence médical et social.

Le souvenir de mon IVG

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J’avais 21 ans quand c’est arrivé. Ma vie était celle d’une étudiante tout à fait ordinaire. J’étais en fac de lettre, je sortais avec mes amis, j’avais un copain génial.
On faisait l’amour souvent, passionnément. Et non, on ne s’est pas toujours protégé. J’ai dû arrêter de prendre la pilule parce qu’elle me rendait malade et je me disais qu’oublier la capote de temps en temps, ce n’était pas si grave. De toute façon, ce genre de chose ça n’arrive qu’aux autres. Tomber enceinte ? Quelle idée !

Et pourtant…

Je n’ai jamais vraiment surveillée mon cycle, ça arrivait quand ça arrivait. Et cette fois là, ce n’est pas arrivé… Au beau jour ça m’a percuté comme une claque en pleine gueule, ça faisait deux mois que je n’avais pas eu mes règles. Mon corps m’avait trahi, il avait bafoué notre pacte, il avait fait sa révolution en cachette.

En faisant pipi sur mon petit bout de plastique la nervosité me faisait passer de la terreur la plus totale à l’hilarité la plus indécente. Ce n’était pas moi, c’était un film, un gag !
J’ai dû en faire deux pour me rendre à l’évidence. Et toujours cette petite barre rose ou deux, je ne me souviens même plus maintenant.

J’ai dû fumer un demi paquet de cigarettes pour me donner une contenance, pour faire quelque chose, pour ne pas me retrouver seule face à cette réalité irréelle.

Elle était là, face à moi, telle une grande dame à l’air sévère. Elle ne disait rien, elle m’observait et le poids de son jugement m’écrasait la poitrine à tel point qu’il m’était impossible de respirer. « Tu peux être fière de toi » a t-elle fini par lâcher.

J’avais 21 ans. Et ma vie n’avait plus rien d’ordinaire.

J’ai fini par sortir de chez moi, je suis allé marcher au jardin du Luxembourg. Enceinte. Est-ce que les gens pouvaient le deviner ? Est-ce qu’ils étaient déjà en train de me juger ? J’avais la sensation que la terre entière s’était arrêté de tourner à cause de moi.

Le soir je suis allé voir mon copain, j’ai tapé à sa fenêtre qui donnait sur la rue et j’ai attendu. Quand il est apparu je n’ai pas pu dire un mot, je me suis mise à pleurer, pour la première fois de la journée. Je ne sais comment mais il a compris tout de suite. Il est venu me chercher dehors et il a parlé à ma place. J’écoutais attentive sans pour autant comprendre. Il a essayé de me rassurer, comme il pouvait. Il est allé voir sa mère dans sa chambre et lui a tout raconté. Elle n’est pas venue me voir tout de suite. Il est revenu et on s’est couché.

Le lendemain c’est elle qui a tout pris en main. Elle a téléphoné à l’hôpital a pris rendez-vous pour moi, j’en aurais de toute façon été incapable. Elle ne m’a pas beaucoup parlé, mais son regard n’était pas amer. Il était compatissant et chaleureux. « Ça va bien se passer » semblait-elle dire. Les jours suivants la vie a repris son cours, mais mon corps était déjà en train de me quitter. Je ne me souviens plus du premier rendez-vous à l’hôpital. Je me revois simplement dans la salle d’attente, toujours avec elle. Lorsque j’ai pleuré pour la deuxième fois, elle m’a prise dans ses bras. Elle, cette inconnue, cette mère qui n’était pas la mienne. Elle était là, avec moi alors que rien ne l’y obligeait.

La semaine qui a suit, ma corps a commencé son abominable décente aux enfers. Mes seins devenaient énormes, je me suis mise à vomir, partout, tout le temps. Il y avait quelque chose en moi qui vivait sa propre vie et qui ne voulait rien savoir de mes souffrances.

Je n’ai jamais hésité, je ne me suis jamais posé la question. Ma vie venait à peine de commencer, je ne pouvais pas déjà la partager, l’offrir à quelqu’un d’autre.

Mon copain, lui a douté. Il a envisagé. Il se sentait capable. Il aurait accepté. Avec le recul je me dis que la déchirure a été plus douloureuse pour lui. Parce qu’il n’avait pas le choix. Ça s’était imposé à lui et on lui avait imposé cette séparation. Il n’avait aucun pouvoir, alors qu’il aurait été capable. On ne lui avait laissé aucune chance. Je ne lui avais laissé aucune chance. Il s’est éloigné pendant un temps, je n’ai pas essayé de le retenir. Nous nous sommes pas vu jusqu’au jour de l’avortement. Je ne voulais pas être près de lui. Ça aurait eu du sens. Nous aurions été trois et il n’avait jamais été question d’être trois.

Pourtant il a insisté pour m’accompagner. Il a été présent, il m’a tenu la main, il a attendu avec moi. Il m’a raconté des histoires, il a essayé de me faire rire. Pendant que mon utérus passait sous un rouleau compresseur sous l’effet des abortifs. Il parait qu’on oublie la douleur. C’est vrai, je ne me souviens plus. Mais je sais que je n’avais jamais eu aussi mal. Une douleur viscérale. On m’a donné un cachet que j’ai régurgité, on m’a injecté des antidouleurs qui ne faisaient aucun effet. J’ai fini par l’apprivoiser cette douleur, elle a été essentielle, elle m’a réconforté. J’étais en train de payer mon crime. Je l’ai accepté.

Je suis sortie de l’hôpital comme j’y étais entrée.

Je savais qu’à ce moment là que les remords et le tristesse allaient émerger, prendre le contrôle de mon être, s’introduire dans mes entrailles et s’y installer pour les années à venir. J’ai attendu, j’étais prête à les accueillir. Mais il ne s’est rien passé. J’ai marché, en me disant que j’allais bien finir par les croiser sur mon chemin, au coin d’une rue. Qu’ils étaient juste un peu en retard. Mais ils ne se sont jamais pointés. Les remords et le tristesse m’ont oublié. Il n’y avait que moi et ma conscience. « Démerde-toi avec ça » semblaient-ils dire.

Le lendemain j’étais redevenue une étudiante ordinaire.

Ça fait 4 ans maintenant. J’y pense parfois, je manipule ce souvenir comme on manipule un vase en cristal, avec précaution et délicatesse. Je l’observe un instant, il est là devant moi, saillant et fragile à la fois. Et puis je le repose sur son étagère. Il n’est pas malveillant, il attend tout simplement, qu’un jour un heureux évenement vienne lui apporter un peu d’ombre.

C’est une maladie

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C’est pas que je me trouve laide… enfin si, un peu. Je me trouve énorme, je suis obèse. Je n’ai pas de dégoût pour mon corps, je trouve qu’il est doux, moelleux. Quand on a les yeux fermés, la mollesse et la douceur sont très sensuelles. Mais je ne peux plus supporter la prison dans laquelle il m’enferme depuis si longtemps!

Il y a certaines parties de mon corps que je n’atteint qu’avec difficulté, et encore : le soir, pas le matin. En raison d’un manque de souplesse dû à l’arthrose. Le soir tout est plus facile… alors je prends ma douche le soir. Je me tortille pour tout laver, dans tous les plis. Une chance que j’ai le bras long!

M’occuper de mon corps est une corvée. Je ne vois plus l’intérieur de mes cuisses et mon sexe que par un miroir, et encore : avec maintes contorsions. Une chance que je suis souple!

J’aimerais tellement courir, sans que toute ma graisse valdingue à droite et à gauche! Sans avoir l’impression que mes articulations vont exploser sous le poids. J’aimerais tellement me rouler en boule dans mon lit les jours de pluie! J’aimerais tellement faire d’autres positions que le missionnaire et la levrette!

J’aimerais pouvoir me lever sans marcher comme une personne âgée en raison de douleurs aux pieds dûes à mon poids.

J’aimerais faire de la danse, du swing.

J’aimerais faire de la randonnée en forêt, les plus belles et plus difficiles pistes, sans devoir traîner 330 lbs de graisse.

Mon obésité m’empêche de me réaliser complètement.

Malgré cela, je n’arrive pas à maigrir, à contrôler ce que je mange.

Qui dira que c’est une question de volonté?
Qui dira qu’il ne s’agit que de se prendre en main?
Qui dira que c’est de la paresse, de la vacuité, de l’inertie?
C’est une maladie

Zuitzikalie

Ces traces sur mon corps

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Tu es en moi, tu m’appartiens autant que je t’appartiens. Je n’arrive pas à me détacher de toi, à te quitter, à te dire que tout est fini, que maintenant tu dois partir, me laisser. Tu es plus fort que moi. Tu m’étouffes, m’oppresses, me fais mal. Je ne te supporte plus, et pourtant, je te garde en moi. Je veux te jeter hors de moi une bonne fois pour toute. Tu es mon fardeau, mon poids, mes douleurs, mes tremblements, mon angoisse. Mais rien ne sort de ma bouche, pas un mot. J’emprisonne mon propre bourreau et deviens moi aussi, autant que lui, mon tortionnaire. Je suis ma pire ennemie.

Il m’emprisonne, me détruit. Il est mes larmes, ma souffrance, ma haine, mon humiliation, ma peur, ma colère, ma honte, il est tout ça, et je le garde en moi, comme un secret précieux, comme un secret honteux.
Il parvient parfois à s’échapper ; négligence involontaire ou non de la gardienne que je suis. Juste quelques signes, quelques traces, quelques marques. Dès que je m’en aperçois je les camoufle, les renferme en moi, les dissimule. Ils font partis de moi. Ils sont en moi. Je les cache derrière une bonne humeur, un sourire, un peu d’humour, je les maquille aussi, quand des yeux autres que les miens peuvent les voir. Je suis devenue douée à ce jeu de cache cache. Tellement douée que j’aimerai bien y perdre une fois, rien qu’une fois, que quelqu’un me dise « tu as perdue, je t’ai trouvé ! » , pour me décharger de ce fardeau qui devient trop lourd, qui fait trop mal, qui me pèse, m’étouffe.
Juste parce que ça ne se voit pas, ça ne s’entend pas, ça ne se dit pas. Je le crie dans ma tête, en espérant que quelqu’un l’entende. J’espère que ça puisse se voir dans mes yeux, s’évaporer par ma peau, s’échapper de mes gestes. Un non-dit qui ne peut se dire, qui ne peut que se taire et qui hurle pourtant en moi.
Quand ils transpercent ma peau en passant du rouge au violet et du violet au vert je me dis « allez ! Vas-y ! tu as des preuves ! » et je ne fais rien. Je mets des manches longues, un col un peu plus haut, du fond de teint, et ça y est ! J’efface moi-mêmes les preuves de ma non culpabilité, de la vérité, et ouvre grand la porte à la sienne. Sa vérité. Celle qui me bafoue, me dénigre, me trahie. Celle qui me fait passer pour responsable, pour folle, pour menteuse.
Sa vérité est plus forte que la mienne. Elle fait moins peur, elle est plus heureuse, elle redonne espoir. Elle me dit qu’effectivement je l’ai bien cherché ; je n’avais pas à parler comme ça, je n’avais pas à faire ça. Elle me dit que j’en fait des tonnes pour rien, que tout le monde aurait réagit de la même manière face à ce que j’ai fait, ou pas fait, elle me dit que j’exagère, encore, toujours…elle me dit que je l’ai bien méritée ; elle me dit que la coupable c’est moi.

Mon corps l’engloutit cette culpabilité, comme tout ce qui va avec. La douleur, la peur, les larmes, je ravale tout. Je les garde en moi, comme un trésor. Mon corps enfle. Je veux qu’il explose. Que tout s’en échappe. Je le veux vraiment mais je n’y parviens pas. Dès qu’une bribe se faufile hors de moi, dès que quelqu’un commence à tirer sur le fil, je m’échappe et remporte le tout avec moi. Des médecins, mon kiné ont eu des doutes que j’ai très rapidement balayés d’un revers de manche. Je m’invente des chutes dans les escaliers, des chocs contre les portes, en priant pour que malgré toute l’assurance que j’y mets, mes mensonges ne soient pas crus. Mais je mens trop bien, il faut croire.

J’ai honte. J’ai mal. Je grossis. Je suis devenue obèse. Pourtant, mon alimentation n’a pas changée. Je gonfle. Pour qu’on me voit. Mais aussi pour qu’on ne m’aime plus, qu’on ne me désire plus. Et ça marche. Même moi je me déteste.
Je ne supporte plus qu’on me touche, qu’on touche ma peau; un simple effleurement est insupportable. Me déshabiller devant quelqu’un, même un médecin est devenu impossible. Mon corps est comme un témoin, un témoin que je dois faire taire, que je dois empêcher de parler à tout prix.
Il est le témoin et la victime de mon silence.

Celui que j’ai aimé me bat. Lui dit que non, que déjà, il ne me tape pas tous les jours. Et que ce n’est pas de sa faute si je marque vite. Que je n’avais pas à lui parler comme ça. Que n’importe qui aurait réagit comme lui. Il me bat. Lui. Celui que j’ai aimé. Celui qui était mon confident, mon meilleur ami, celui que je pensais être mon âme sœur. Il me cogne, me pousse contre les murs, me tord les bras. Il me frappe. Mais je marque vite. Les bleus se font sur mon corps au moindre effleurement. Il m’a assommé. Une fois. Rien qu’une fois. Donc ça ne compte pas. C’était un accident. Puis j’ai dû faire semblant, sûrement, de voir tous ces petits points brillants devant mes yeux, de me sentir partir, de manquer d’air, de force. Son coude avait juste effleuré ma nuque. Ça ne peut pas suffire à assommer quelqu’un. J’ai dû faire semblant. Et de toute façon, je l’avais bien cherché. Les fois précédentes ne comptaient pas. J’étais enceinte ; il se défendait juste. Je les avais bien méritées ces baffes qui m’ont mises à terres et m’ont fait perdre connaissance.
Il m’a violée. Trois fois. Mais c’est de ma faute. Après avoir mis au monde notre deuxième enfant, je ne voulais pas de lui. En plus mon vagin était tellement distendu qu’il ne sentait rien. Il m’a sodomisé, trois fois, sans mon accord. Il avait plus de sensation. On est un couple, et puis on a des enfants, ce n’est pas comme si nous n’avions jamais eu de relations sexuelles. Ce n’étaient pas des viols. Je n’ai pas pleuré assez fort. Je ne l’ai pas repoussé assez fort. D’ailleurs, il ne s’en souvient même pas.
Il me crie dessus, m’insulte, me traite comme la dernière des merdes. Mais je ne me rends pas compte à quel point je le maltraite en répondant à ses insultes, en ne l’aimant plus, en refusant qu’il partage mon lit, en lui demandant de partir. Je devrais l’aimer, le respecter. Un homme se respecte. Je l’ai bien cherché. C’est de ma faute. Tout est de ma faute. Je suis mauvaise. Je suis une mauvaise femme, une mauvaise mère. Une grosse feignasse qui ne fout rien de ses dix doigts. Qui doit tellement s’ennuyer qu’elle s’invente une vie.
Ça n’arrive pas tous les jours. Pas suffisamment donc pour dire que je suis une femme battue. Je suis juste une femme qui a ce qu’elle mérite. je ne suis plus rien.

Eliaitat

L’art de la faim / Après la faim

1- L’art de la faim

Faim, n. f. : Sensation qui traduit le besoin de manger

Sensation. Besoin de manger. Ne pas manger. Retenir la sensation. La faim remplit le vide. Elle tient compagnie. Elle devient familière. Elle est exigeante. Chaque jour réduire un peu plus ce que l’on met dans son estomac, pour l’avoir continuellement présente en soi. On n’a pas d’émotions, pas d’idées, pas de désirs, quand on a faim. L’effort perpétuel consistant à la maintenir s’empare du peu d’espace qui reste. C’est simple. Difficile mais simple.

La faim s’estompe au bout de quelques temps. D’autres sensations la remplacent. La fatigue, les douleurs, le froid. A tout le reste je deviens hermétique. Mes cheveux sont tombés cet automne-là. Je me souviens aussi d’un cours de biologie, dans une classe entièrement carrelée, d’un froid glacial en hiver. J’ai enlevé mes gants en laine, gardé mes gants de soie. Le prof m’a demandé de les retirer. Je me suis exécutée, lentement. Aucune sensation dans mes doigts devenus blancs. Silence de mort dans la salle, pudeur de mes camarades de classe. Ces gamins de 15 ans faisaient preuve d’une décence qui me crève le cœur.

Les chiffres sur la balance dégringolent. Pas que je veuille maigrir. Maigre, je l’étais déjà, avant. Les chiffres n’ont rien à voir avec ça. Ils sont un repère, une preuve matérielle de la disparition progressive du corps après que la faim s’est éteinte.

Le corps acquiert une certaine beauté, étrange et morbide, dans ce que l’absence de chair révèle du squelette, de l’architecture primaire d’un être humain débarrassé de son identité physique. L’extrême maigreur, fragilité ostentatoire, sacrificielle, est une protection vis-à-vis du monde, le signe extérieur de la folie de celle qui l’exhibe. Elle fascine. Elle fait peur. Elle isole. Elle rend intouchable.

Vient un état d’engourdissement, de semi conscience, où le moindre geste demande une totale concentration, un effort physique inouï qui brûle chaque muscle, chaque parcelle de peau, mon squelette tout entier. Mettre un pas devant l’autre, tenir un crayon, coordonner mon souffle et le mouvement de mes lèvres pour pouvoir parler. Je n’arrive plus à sourire. L’immobilité fait mal aussi. Rester debout, rester assise, rester allongée. Mais l’anesthésie s’étend. La douleur diminue. Il faut accroître encore les efforts, courir plus longtemps, dormir moins, s’exposer au froid. La douleur ne procure aucun plaisir. Elle est insupportable. Le vide l’est juste davantage.

Ma mère m’a demandé un jour « Mais qu’est-ce que tu cherches ? Tu veux mourir, c’est ça ? ». Non, je ne veux pas mourir. Mais la mort est une perspective rassurante, nécessaire, de plus en plus nécessaire à mesure que je vois mes capacités physiques et intellectuelles décliner. La mort d’une anorexique n’est pas un suicide ; c’est la solution au dilemme, la fin simultanée de la souffrance et du vide. C’est en cela qu’elle est rassurante. Elle est la seule libération accessible. La seule liberté qui reste quand il ne reste plus rien de soi.

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2- Après la faim

On m’a enfermée dans une chambre d’hôpital vide. Pas de livres, pas de téléphone, pas de visites. La seule distraction c’est le plateau repas qui arrive à heures fixes 6 fois par jour. On se met rapidement à attendre ces moments. C’est humiliant. C’est le but. Il faut « casser » la maladie. Les dégâts collatéraux ne sont pas pris en considération dans le protocole. Je fais tache dans ce service de pédiatrie. Entourée de pauvres gosses atteints de vraies pathologies, qui n’ont rien demandé à personne, je suis celle qui s’est volontairement mise dans un état maladif. Comme si c’était un choix. Que j’aurais aussi bien pu me teindre les cheveux en bleu, si je tenais tant que ça à me rebeller. J’aurais moins emmerdé le monde. On me fait sentir que je prends de la place. Plus exactement que je prends la place de quelqu’un, d’un pauvre gosse malade. L’après-midi les parents viennent voir leurs gamins cancéreux. Les portes sont vitrées, il m’est interdit de tirer le rideau devant la mienne. C’est l’heure du zoo. Chaque personne qui passe devant ma chambre marque un temps d’arrêt, observe la bête de foire.

Il faut manger, reprendre du poids, c’est la seule façon de s’en sortir. La Solution. Tu parles. J’ai juste accepté de ne pas mourir. Manger ne résout rien. A part à rentrer dans des normes de poids médicalement acceptables pour sortir de l’hôpital. La faim a tout rempli, tout défini de moi. Elle n’est plus là. Le vide a fait son retour, d’autant plus violemment que tout a été effacé. Je suis une page blanche. Je n’ai plus d’identité, je ne sais plus qui j’étais avant, et même si je le savais, je ne saurais quoi en faire. Mon corps lui-même est une page blanche ; il n’a pas d’âge, pas de sexe. Je me suis rasé la tête. Retour au point zéro.

Et puis il faut se justifier, a posteriori, de n’être pas allée jusqu’au bout. Trouver un sens au renoncement, à savoir à sa propre vie. Tout un programme. J’essaie. Rien ne m’anime, rien ne m’investit. Je ne fais que passer le temps alors que c’est le vide qu’il me faut combler. La faim n’est plus une option. C’est la petite sœur infernale de l’anorexie qui vient s’engouffrer dans la plaie béante. Boulimie. Mot détestable et sale, honteux, impossible à prononcer sans détourner les yeux. La mécanique se met rapidement en place, insidieusement, sans que l’on comprenne ce qui arrive. Remplir le vide. Se remplir. Manger, vomir, manger, vomir, encore et encore, jusqu’à épuisement. Dormir. Dissimuler les traces, effacer les marques, sauver les apparences. Recommencer.

Mes cheveux ont repoussé. Le corps reprend sa place, son âge, son identité. Ses sensations. L’intimité physique est facile quand on n’a pas d’émotions. Mais le corps, vide de substance, devient vite encombrant. Il attire les regards. L’image que l’on projette est publique. Il me vient la pensée récurrente que mon corps est par conséquent public et qu’il appartient à celui qui le regarde. Je suis terrifiée, anonyme et seule dans Paris. Je m’enferme. Je me détruis, quotidiennement, méthodiquement, rituellement. Ce que je fais depuis un certain temps déjà ; la différence est que je ne le cache plus. J’ai le visage bouffi et marqué de brûlures, des entailles dans les bras, mon poids grimpe et dégringole au rythme imposé par la peur. Les regards ne s’attardent plus.

Le souci c’est que je veux vivre. Pas que cela aille de soi, pas qu’il me reste un quelconque instinct de survie. Je veux vivre parce que j’ai pris cette décision un lundi soir dans le cabinet d’un médecin et pour cela accepté les humiliations qui allaient avec. Mais je ne peux pas vivre en enfer. Même si je sais que le bonheur ne m’est probablement pas accessible, je sais aussi que je ne vais pas pouvoir cumuler le vide, la douleur, la solitude et la honte beaucoup plus longtemps. Que je vais finir par me tuer, d’une façon ou d’une autre, plus ou moins volontairement, avant même d’avoir commencé à vivre. Cela prend du temps, de sortir de l’enfer. Mais peu à peu la peur s’estompe. La torture s’arrête. La honte est reléguée au passé. On redevient fonctionnel. Suffisamment normal aux yeux du monde extérieur. Ne reste que le vide. A nouveau.

Je commence à comprendre que le vide sera toujours là, et que, peut-être, il est ce que je possède de plus précieux. Qu’il faut l’accepter. L’assumer. L’utiliser. Utiliser l’absence de sens, de règles, de projet, comme une forme de liberté. Puisque rien n’a de sens, je n’ai rien à perdre. Je peux être inconséquente, ouvrir ma grande gueule, aimer qui bon me semble le temps d’une nuit, m’attacher, me détacher. Les sentiments ne sont qu’une construction mentale dont il est facile de s’affranchir. Et puisque demain n’aura pas plus de sens qu’aujourd’hui, je peux vivre sans entrave les moments d’ivresse. Ils sont rares, mais ils existent. J’ignore s’ils rendent le vide plus cruel ou bien si c’est le vide qui fait naître les sensations violentes, les émotions insensées. Peu importe, en réalité. Je n’ai pas d’autre choix que d’évoluer dans cette alternance de dépression et d’instants de beauté fugaces. Mais les états de grâce sont parfois suffisants pour me permettre de supporter la laideur et la médiocrité du quotidien. Et tant qu’ils existeront, j’aurai une raison de continuer à lutter contre le désespoir. Quelque chose à quoi me raccrocher. Quelque chose qui en vaut la peine.

Célibataire

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Depuis mon premier petit ami, j’ai été très amoureuse, aimée, aimante -et priant Marie-Madeleine à qui beaucoup fut pardonné au motif qu’elle aimât beaucoup.
J’ai découvert mon corps et d’autres, le désir et le plaisir, l’intimité, la réjouissance, le goût et l’odeur, des caresses et des vertiges.
J’aime bien mon corps, et ses quelques détails agaçants sont assez légers pour qu’on cohabite avec bonheur : j’ai chevillée à l’âme une certaine gourmandise pour la vie.

Et puis voilà un an que je suis célibataire, je ne peux plus me souvenir si ça m’était déjà arrivé.
Me passer de sexe n’a pas été si difficile.
Au début.
Et puis les fenêtres ouvertes, les petits déj’ dehors, et ce truc sexuel qui pétille dans la lumière du printemps.

J’ai appris à me masturber.
Je ne savais rien : avoir trois maris bons amants vous apprend d’autres choses.

Je n’ai besoin de rien de plus que d’intimité.
Je ferme les yeux, un souvenir de désir, y prend place et lentement s’y déforme et s’entremêle d’autres émotions en fils crus, poétiques, esthétiques.
Mes mains explorent, reconnaissent et examinent des replis, des collines et des chemins, du chaud de l’humide, du si doux du plus grenu, moiteur et langueur dansant avec les images d’une rêverie décousue.

C’est la genèse d’une explosion intense et surprenante à chaque fois, dont je redescends essouflée, à deux doigts d’éclater de rire, ne faisant qu’une avec mon corps, parfaitement réjouie.

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Mon enfer quotidien

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Obèse, 115kg pour 1m61, je suis obèse, difficile a dire, difficile a accepter, difficile a s’aimer…. Je me hais, je hais tout en moi, mes bras, mes jambes, mes énormes cuisses, mes hanches et ce ventre mon dieu ce ventre… Je me hais…. lors de ma quête du corps parfait j’ai testé tous ces régimes prometteurs de kilo en moins, ces médicaments qui vous filent la diarrhée et vous rendent malade….. 10kg de perdu 15 de repris….. La pilule aussi chaque changement ou reprise + 10 kg…….
Puis j’ai eu un entretient psy, je n’ai pas réussi à continuer, trop de choses sont remonté, trop de choses ont était remuer…. J’ai eu mes 2 enfants, 2 grossesses merveilleuses et qui plus et avec une énormes perte de poids 15kg pour le premier et 25kg pour mon second…. Malheureusement tous repris ou en tout cas en grande partie ! Je me hais…..

Je me sens être un «poids » et une honte pour ma famille, pour mes enfants.
Et LUI quand est ce qu’il se rendra compte du monstre que je suis devenue, quand est ce qu’il va ouvrir les yeux et se demander qu’est ce qu’il fou avec une erreur de la nature comme moi…. Quand ?
Ce regard de pitié aussi de ma mère qui se demande toujours ce qu’elle a pu louper alors que sa 2e est fine et magnifique et sportive et……..etc. Mes beaux parents qui me regardent et se demandent aussi pourquoi ? Leur fils vaut mieux que CA non ?!

Toutes ces copines qui se marrent de tout ce que je peux leurs raconter concernant mes soucis, grâces a « l’autodérision » … Oui oui faut pas croire qu’une grosse qui se fou du fait qu’elle soit grosse est une grosse bien dans sa peau…. non loin de la ! C’est une grosse meurtrie, qui en as tellement pris dans la tronche…. des boudins, ta vu ta gueule, grosse vache, tu fais des éclipses…Etc.
Les crachats que l’ont subit enfants, les insultes, les insinuations plus que douteuses sur notre existence….
bref je me hais…..

J’aimerais disparaitre et cette envie de disparaitre et accentué lorsque vient aussi le moment fatal de devoir s’habiller, s’acheter des vêtements, mettre des chaussures…. une paire de botte ? NON pas pour les grosses… Les vitrines de magasins qui affichent : « rassurez vous on va jusqu’au 42 » youhouuu je fais du 52 !
Ou celles qui n’affichent rien mais dont les vendeuses vous regardent d’un air mitiger entre la pitié, la moquerie et le dégoût ! Et quand de temps en temps y en as une qui se croit forte et qui vous balance « si c’est pour vous vous trouverez rien chez nous désolé ! »

Je me hais… Je LE hais……

Mes poils de combat : un éloge !

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Il faudra l’avouer: au commencement il y a un homme. Il y a quelques années, il m’a dit aimer mes poils sous les bras, de les trouver extrêmement érotiques. Visuellement, mais encore plus odorifèrement. Un peu par paresse, un peu car je percevais déjà la dépilation comme une constriction, j’arrêtai de me dépiler les aisselles. Je m’aimais ainsi. Dans l’intimité, c’était devenu mon signe distinctif. Signe distinctif, mais saisonnier : avec l’arrivée de la chaleur, des robes sans manches et de la plage, je faisais place nette de ma touffe sous les bras. A contrecœur, bien sûr, et non sans noter sur mon agenda la date de cet acte apocryphe.

Les étés passés, entretemps les poils ont repoussé, et à présent je continue de résister. Au fond, nous ne sommes qu’en avril. Oui, mon acte est, sans le vouloir explicitement, un acte de résistance. Car en piscine moi j’y vais, et j’y emmène même mes poils. Inutile de le dire, je suis la seule. Quand, pendant les exercices d’aquagym –par ailleurs ridicules, il faut l’avouer- on soulève les bras, ma tache noire est la seule à se révéler. Je n’en ai pas honte, même si parfois je remarque que mes poils ont le pouvoir de réveiller auprès des couples de copines cette espèce de complicité féminine qui peut être très bête et agaçante. Je m’en fiche royalement, mais n’empêche que mon excentricité pilifère me met beaucoup de tristesse car elle marque l’homicide consensuel de la variété des corps et de leur naturel qui est si magnifique.

Je ne veux pas assimiler mes aisselles poilues à un acte de résistance féministe : je me méfie des catégorisation et en plus dans ce cas il n’y en a aucun besoin. Simplement, moi j’aime les poils. J’aime leur consistance soyeuse, j’aime l’odeur qu’ils retiennent et j’adore que le nez de mon aimant puisse s’y faufiler. L’existence de ma petite forêt de l’étage du dessus ne devrait pas représenter un acte de résistance. Et pourtant…

La dépilation est désormais devenue une vraie dictature. Complice le porno, complice l’incroyable chiffre d’affaires de l’industrie de l’épilation, complice un diktat culturel qui court après un faux hygiénisme. Complice trop de femmes consentantes.

Femmes, je voudrais venir chez vous cacher vos rasoirs, détourner vos chemins quand vous allez dépenser votre argent dans les centres esthétiques. Venez avec moi dans la forêt des libertés. Faites avec moi l’éloge des nos corps et de leur naturel. Pas non plus d’obligation aux poils, mais une invitation complice à reconsidérer leur rôle et leur beauté. Contre l’esclavage de l’épilation et pour la célébration de notre diversité. Que cet éloge soit un antidote à la solitude pilifère.
-Giulia

Le langage de mon corps, et moi

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 Mon corps et moi c’est l’histoire de deux choses qui ne parlent pas le même langage et qui doivent cohabiter.
Ce que je vais dire est banal …

J’ai 20 ans, plutôt musclée. l’année dernière je faisais 40Kg après un été à travailler en accrobranche … et à compter chaque calorie. Pourtant ce que je retient de cet été c’est la sensation de bien être qui m’habitais. Le matin je me regardais dans un grand miroir et pour la première fois je sentais que mon corps et mon esprit était d’accord. J’étais belle. Et les mains des hommes sur moi ne faisait que le confirmer. Volage cet été et léger … si léger.
Puis voilà la rentrée, les cours, la ville, le stress … Le poids, la cellulite qui reviens alors qu’avant même en serrant les fesses ma peau restait obstinément lisse. Mon ventre … petit ventre alors que mes abdos étaient saillants.
Je me regarde chaque jours en détail et pince tous le gras en trop pour me rappeler que je ne suis pas tel que je devrais être.
J’aimerais tant revenir en arrière … pendant ces deux moi ou mon corps et moi on parlais un peu la même langue.

Je suis une salope …et alors?

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Étrange de se sentir salope avec mon enfance brisée…
Oui, je suis une salope au sens où j’aime le sexe. J’aime qu’un homme me désire, me caresse, me baise, me fasse jouir.
Et pourtant, qui aurait pu le croire…. Moi, la jeune femme coincée, timide, craignant le regard des hommes.

A huit ans, un pote de mon grand frère vient dans ma chambre en pleine nuit. Il soulève mes couvertures et fait de moi son jouet. Je ne suis plus une petite fille. Tout cela dure environ un an, jusqu’à son déménagement. Mais le mal est là. Du haut de mon enfance, je me sens coupable. S’il a fait ça, c’est parce que je suis jolie, mince, gentille. Timide et ne contestant pas l’autorité.

« Tu aurais pu te défendre ! » Mais comment se défendre quand on a huit ans. Quand on se sent honteuse. Qu’on se dit que c’est de sa faute. Et comment supporter que malgré l’horreur de ces attouchements, on ait pu éprouver une forme de plaisir? Impossible.

Il m’a fallu plus de 20 ans pour tolérer d’appeler ça un viol. Pour comprendre que non, je ne suis coupable de rien. Pour accepter que le plaisir que j’ai eu était un plaisir purement mécanique, et que parfois, même avec du dégoût, il y a le plaisir mécanique contre lequel on ne peut pas faire grand chose.

Ce viol a déterminé ma vie de femme d’une manière inimaginable…

Adolescente, j’étais effrayé par le regard des garçons. Des formes qui viennent très tôt, alors la seule solution pour ne plus être désirable est de grossir. Grossir encore. Encore. Encore. Ne plus être désirable mais juste une baleine dont on se moque. Après tout, je l’avais mérité.

Et ce mensonge qui enfle au creux du ventre. Ce mensonge à tout le monde, les parents, les frangins, les copines. Alors il en faut de la place pour le cacher ce mensonge.

Jeune femme, ma première expérience se fait à 19 ans. Gentille expérience, ça ne va pas bien loin. Mais voilà, je ne fais confiance à aucun homme. Je me sens honteuse du décalage entre mes désirs , mes envies de pluralité, masculine et féminine, et ma sexualité hyper coincée. Où je ne m’autorise rien. Même une fellation me débecte.

28 ans… Je divorce. Je couche avec mon meilleur ami. Je découvre alors que baiser, peut aussi être synonyme de douceur, de tendresse, et de plaisir mutuel. Oui, moi aussi je peux, et j’ai le droit d’avoir du plaisir. Oui, j’ai le droit d’avoir envie de certaines choses.

Deux ans plus tard, j’ai des sex friends. Pas un seul, mais plusieurs. Cette situation me convient. Tout doucement, j’apaise mes blessures. Petit à petit, je reprends confiance en moi. Je découvre ma sexualité. J’aime le sexe, plus que je ne pouvais y songer. Je découvre mon plaisir qui est particulier. Fait d’orgasmes multiples, répétés, qui s’enchaînent. Je découvre que j’aime être dominée. Et surtout, j’accepte enfin ma bisexualité. Mon désir de plusieurs partenaires en même temps.

Mais tout n’est pas aussi simple. Le changement est trop soudain pour moi. Les flash backs du passé reviennent dans mon sommeil. Je passe en auto destruction. Je passe dans les tentatives de sexe SM. Je sais que je m’auto détruit. Pourtant, je continue. Jusqu’à ce que je craque. Je me retrouve chez celui qui m’a ouvert les portes de mes désirs cachés, en position foetale. Pleurant sans pouvoir me calmer, et lui me tenant pour ne pas que perde totalement pied, me suppliant d’aller voir un psy…

Trois mois plus tard, je suis chez une psy. Et je lâche ce lourd secret que je tenais dans mon ventre depuis plus de 20 ans. Pourtant, je ne pleure pas, je suis très calme. Je sens que mon ventre s’allège, se vide peu à peu pendant la séance.

Aujourd’hui, j’ai rencontré un homme. Qui ne connaît pas encore ce secret, mais à qui je le dirai car je sais qu’il saura comment réagir, comment garder ce secret. Et est ce que je suis toujours une salope ? Oui, bien sûr ! Parce que j’aime quand il me fait l’amour ou quand il me baise. Mais avec lui, ma sexualité est différente. Plus belle, apaisante…