Mon corps c’est moi

Je sais que ça à l’air con dit comme ça, mais il a fallu tellement d’années pour que le déclic se fasse dans ma tête. Mon corps, n’est pas le véhicule de mon esprit, il n’est pas mon ennemi, ni mon allier. Il n’a pas d’identité propre : c’est juste moi.

Je suis une victime de viols, avec un « s », sur dix ans, sept personnes sans liens entre elles autre que moi. Je suis aussi une victime de maltraitance, ceci explique cela. Dissociée de mon corps je n’ai pas compris que mes non devaient être entendus.

Ne me touchez pas, ne m’approchez pas, ne me parlez pas. Vos regards me brûlent la peau.

Mon corps en à chier, en plus de ce que les autres ont fait. Anorexie boulimie, scarifications, acné excoriée, alcool et drogues. Un jour j’ai péter les plombs, c’était trop, trop de douleur, trop de pression : hôpital psychiatrique. Les chaînes aux fenêtres, pas de rideau de douche (histoire de ne pas pouvoir se pendre avec), pas de siège de toilette (pour ne pas agresser le personnel). Médicaments, beaucoup de médicaments. Puis le déclic, mon corps c’est moi. J’ai pris du papier et j’ai écrit des lettres. J’ai rendu ce qu’on m’avait mis sur les épaules, il s’est passé ça – ça m’a fait ça – (et pour certains) si tu veux qu’on continue à se voir j’attends ça de toi. Réactions lâches en retour, quelques-unes étonnantes et bouleversantes. Je suis revenue à la vie civile.

Quelques années ont passé, sereines. Nous avons fait un enfant. Notre bébé est né chez lui, dans la douceur et le respect de nos corps. Je ne suis pas une petite chose fragile, je me suis rendue à moi-même.

J’aime mon corps, j’aime ces cicatrices, ces vergetures. J’aime mes seins qui me permettent de nourrir mon enfant. J’aime les rides qui commencent à apparaitre aux coins de mes yeux, marques des rires quotidiens avec les miens. Je suis fière de ma puissance.

Mon corps c’est mon histoire.

Mon corps c’est ma victoire.

 

Mon corps qui n’existe pas

/Le fichier photo de ce témoignage était impossible à ouvrir/

*********************

Mon corps et moi, on ne s’est jamais vraiment trouvé. Petite fille, il m’encombrait déjà, je ne savais pas le mener. Quand les autres réussissaient toutes les prouesses sportives, je peinais à seulement passer une porte sans me cogner à son chambranle. Mon corps ne me servait pas, c’était l’esprit qui dominait chez moi.
Parce qu’il fallait faire une activité physique, j’ai été inscrite à la danse classique. C’était chouette, c’était bien. On sautait, on dansait, on tournait. On avait des beaux costumes, et la musique était belle. J’étais une fée, une étoile.

Et puis il y a eu l’adolescence.
J’étais petite. J’avais cet air éternellement enfantin que me donnait de presque lointaines origines asiatiques. Je me suis développée tard par rapport aux autres. Qu’ont-ils vu qui m’a échappé? Je ne le sais toujours pas.
Je n’ai pas compris ce qu’il s’est passé.
A quel moment j’ai cessé de me voir dans le miroir de la salle de danse?
A quel moment mon image s’est dérobée à moi?
Quand est-ce que je me suis perdue?

A 14 ans, j’ai arrêté de manger.
Et puis j’ai vomis.
Je me suis arrêtée. Et j’ai recommencé.
Pendant 10 ans…11 ans…12 ans…

Ce n’est que récemment, depuis à peine un an que je sais que cette image de soi qui disparait à un nom. Dismorphophobie. Je l’ai doublée avec de l’anorexie.
Et aujourd’hui encore, à 27 ans, je cherche les contours de ce corps que je ne connais pas.
Ce que je vois dans le miroir n’est pas vrai. C’est une image, modelée par mon inconscient, par 4 années de brimades, par 17 ans de discipline de fer, par un esprit trop absent, par un modèle imposé, répété, irréel et omniprésent…Je pourrais trouver mille raisons, mais ça ne changerait rien.

Ne pas se voir telle que l’on est. Ne pas se connaitre. Ne pas se reconnaitre.
Je n’ai que des chiffres pour m’aider à faire exister ce corps que je ne vois pas: ceux du mètre ruban, ceux de la balance, ceux de l’IMC, ceux des tailles de vêtements, ceux des calories des aliments…
Je n’existe qu’à travers cela.

Pourtant mon corps existe et quand je l’imagine, je l’aime. Parce que je m’imagine belle.
Eux, il me trouvent belle aussi, mes amoureux. Ils me trouvent même « parfaite ».
Parfois, sous leur caresses je le trouve beau ce corps et je l’habite. Pendant un instant, celui d’une étreinte, ce corps est le mien, il m’appartient et peu m’importe la forme qu’il a. les formes qu’il a. Il est juste moi, et je suis là.

Longtemps, j’ai cru que je n’aimais pas mon corps. Mais c’était ce que je voyais que je n’aimais pas. Aujourd’hui je sais.
Je sais que mon corps, je ne le connais pas.
Mais promis, je l’aime déjà. »

 

Ce mal qui me ronge

De nos jours, si tu veux plaire il faut être mince, avec des fesses, pas trop de ventre, une poitrine, des hanches… Et si on a tous ça mais qu’on ne l’assume pas, on fait quoi ? On reste dans notre coin, honteux.

Quand je vois ces femmes qu’on voit à la télévision qui se dandinent pour décrocher un prix, j’ai mal pour elles, cette maigreur me répugne tout comme elle me répugne quand je m’apperçois dans un mirroir, une confrontation très rare. J’aimerais être comme elles, montrer que j’assume mon coprs, me montrer. Mais non, il ne faut même pas y songer.  Alors que certaines feraient tout pour maigrir, moi je fuie cette idée.

Au début, des amies enviaient mon corps alors que moi je le reniait. Quand on me pose la question, je dis toujours que je ne sais pas ! « Suite à quel évenement ? » Bonne question… Mais aujourd’hui j’en parle de ce corps plein d’air, plein de vide enfait. Ce corps d’adolescente qui n’a pourtant plus grand chose de féminin. Etre mince est une quelitée, être maigre est une honte. Je me demande si un jour je parviendrais à sortir de ce cercle vicieux. Finit les compléments, finit les nausées, finit la honte…

J’en parle parce que depuis 3 ans déjà j’en ai vu des filles passer.. Certaines qui s’en sortent bien et au bout d’un an peuvent à nouveau plus ou moin s’accepter, certaines pour qui ça ne se finit tout autrement et celles pour qui ça ne se fniti pas. Moi, j’aurais toujours du mal à dire ce mot, dire que je suis anorexique. Au début, on y croit pas, ou plutot on ne veut pas y croire. Mais il faut l’accepter, pour se faire soigner, il faut prendre l’initiative d’aller en parler à quelqu’un et finalement, je pense que c’est le plus dur, car c’est honteux. C’est terriblement honteux de ne plus vouloir de ce coprs alors que c’est de notre faute, c’est terriblement honteux d’être maigre et non plus mince. Mais quand tes amis commencent à t’en parler, c’est qu’alors d’autres personnes ont du le voir…

Je finirais sur les amis justement. Des personnes que je croyais pourtant intelligentes, mais non, à 12 ans au tout début certains ont crut que l’anorexie était un gros contagieux et ont préférés me fuir. J’avais envie de leur dire : « Non, non vous inquiétez pas, c’est moi qui a hérité de cette merde !  » Puis, il y a ceux qui seront toujours là, ceux là se comptent sur les doigts de la mains ! Et bien entendu les faux-culs qui grattent l’amitié avec une « malade » pour pouvoir s’en vanter à tout va… Ca me dégoute ! Je ne sais pas qui détester mais je déteste celui qui m’a infligé cette putin d’anorexie. J’estime qu’a 12 ans j’avais surement autre chose à faire que de passer des séjours à l’hopital loin de ma famille et qu’aujourd’hui, à 15 ans je devrais plutot être en train de raconter à ma meilleure amie mes histoires d’amour plutot que de parler de ce crabe qui me ronge tout les jours…

Quelle honte, quel gachis je fais. Beaucoup se sont inquiétés pour moi et quoi qu’ils disent, je sais que mes parents s’inquiètent encore beaucoup. Mais passer les journées dans ce centre fait vraiment réfléchir. e veux m’en tirer, « tu est une winneuse » me disait Robin ! J’ai envie de leur montrer, mais avec mes 30kg toute mouillée, on ne me crois pas trop…

Bref, voilà ma contribution, mon petit bout de moi, ce qu’il en reste, ma honte.

Hanna, 15 ans.

Hyperphage

Il y’a 6 ans, je pesais la moitié du poids que je pèse aujourd’hui. J’étais plutôt pas mal, même si a l’époque je ne me trouvais pas jolie. En tout cas, les hommes me regardaient, aimaient mon corps, et moi, j’aimais ça.

Le temps a passé, j’ai rencontré l’homme qui doit je suppose, etre l’homme de ma vie.
La vie a suivi son court, entrainant avec lui le flot normal du quotidien.. des grossesses, des naissances, des bonheurs, des soucis, des peines des joies, des emotions positives ou negatives.
Et moi, les emotions, surtout les negatives, ca me fait manger. C’est la seule chose qui me soulage.

Je pourrai fumer, je pourrai boire. Non, je mange.

Je suis coincée dans ce corps.
Dans ce gras, dans cette graisse.
Je suis coincée dans cette boucle infernale de l’hyperphagie.

Comme une toxico, pour apaiser mes souffrances, je mange, que dis-je, je BOUFFE! pour apaiser ce qui me fait si mal….
Et quand j’ai le ventre plein, tendu, que j’ai mal a l’estomac, que je n’ose plus bouger de peur de vomir, le soulagement et l’apaisement arrivent.. mais très vite, ils laissent place a la honte…

Honte d’être la vache qui vient d’avaler en 20 minutes un pot de rillettes avec une demi baguette, l’autre moitié avalée sans rien dessus….. d’être capable de manger du beurre a même la plaquette…..
Honte de constater que jamais je pourrai me passer de ce travers. Je ne pourrai jamais sacrifier la seule chose qui soulage mes angoisses, mes souffrances. Les régimes, très peu pour moi.
Honte d’infliger ça a mon mari. De l’obliger a coucher avec une femme de 120 kg alors que j’en pesais 60 quand je l’ai rencontré. J’ai l’impression de l’avoir floué.

Il dit que non, il m’aime, il aime mes formes. Pourtant il ne me regarde pas comme avant.

Je n’ai pas encore 25 ans et les hommes ne se retourneront plus jamais sur moi. Parmi toutes ces souffrances qui me font bouffer, il y’a celle de ne plus etre séduisante.
J’ai envie de plaire. J’ai envie de me trouver belle dans le regarde des hommes. D’un homme. Même si ce n’est pas le mien.

Un histoire de tache

Ma tache.

Ma petite tache, jolie. Je l’aime cette tache, ronde, discrète, pigmentée d’une belle couleur caramel. Elle donne envie de mordre dedans, pour vérifier si ce n’est pas un caramel breton échoué sur ma peau.

Elle est en haut de ma cuisse, sur l’extérieur.

Petite erreur de programmation de répartition de mélanine, moi qui est une peau très blanche, je trouve ça cocasse.

Cette petite tâche je l’aime parce qu’elle est a moi. Personne ne m’a dit qu’il ne l’aimais, jamais non plus qu’il la détestait. Personne ne m’a dt que je devrait l’enlever, ou la faire blanchir, personne ne l’a jamais regardé avec dégoût, vous savez cette moue que l’on essaye d’effacer au moment ou on se rend compte l’avoir faite.

Ô oui je l’aime cette tache, elle me suit depuis l’enfance, « une tache de naissance ». C’est la seule chose que j’aime regarder chez moi. Elle ajoute ce petit côté asymétrique a ma silhouette, comme une mouche sur le fard d’une noble dame de temps moyenâgeux.

Mais surtout, elle me permet de me concentrer sur un point, sur ce point quand je suis face a un miroir. Pour regarder quelque chose, comme une mire, plutôt que de regarder le reste, ce reste boursouflé, ce menton dédoublé, le gras du ventre qui fait un bisous lascif des plus nauséeux. J’ai été jolie, mais ce n’est qu’aujourd’hui que je le vois, sur ces photo qu’on m’a volé l’époque. Un joli visage fin, des yeux en amande aux couleurs changeante, un petit nez en trompette même que quand je bronze j’ai une trace clair a sa base. Des cheveux noirs qui boucle en anglaise naturellement, même si c’est une horreur a démêler le matin, c’est joli et sans trop de peine.

Oui mais a l’époque j’avais mal, mal en dedans de trop de question sans réponses, d’un père trop porté sur le tonneau et une maman a qui je refusais de parler d’autre chose que de la météo. Et cette douleur, si sourde et si poignante, silencieuse. Bonne élève, musicienne, vive d’esprit, mais mal a s’en couper la peau, le soir, en haut des bras pour pouvoir le cacher avec un t-shirt. Et puis une fois le rasoir disparu, je n’ai jamais su comment exactement, même si je suppose que ma mère l’a trouvé et jeté, je me suis mise a manger.

A quoi bon faire attention, j’ai d’autre nœud a régler. Et puis manger ça rempli, et finalement un manque se comble de chocolat en bonbon, voire même boite de ravioli froids, juste comme ça en sortant de la supérette, faut pas que maman me voie manger. En plus je mange moins aux repas, tout le monde est content.

Et voilà le joli corps généreux, puis enrobé, puis gros, puis carrément dégoûtant. Avec des haut et des bas.

Aujourd’hui, je ne regarde pas. Je casse la gueule a des gâteaux quand je sens mes nerf en pelote, et puis tant pis advienne que pourra, pire ne serait pas si grave, au point où j’en suis.

Alors dans mon miroir, le matin, je regarde ma tache. Ma jolie tache caramel, là juste là. Et je l’aime.

Rétrécir

Quelle partie du corps décrire ….quelle partie pourrait faire appel à quelque indulgence de ma part ?.Ce corps ou je me suis senti quelque fois à l’étroit et que je voulais faire rétrécir encore un peu plus, jusqu’à disparaître mais pas mourir (où était alors la nuance…où est-ce que je la mettais cette nuance, je n’ai pas la réponse à cette question)….Ce corps, qui au contraire, il fallait qu’il se voit pour qu’on ME voit….Ce corps que j’ai maltraité sans parvenir à faire copain-copine vraiment une fois avec lui. Ce corps dont je me suis servi pour faire sortir quelque chose parce qu’il fallait que cela sorte …quoi au final je n’ai pas encore mis le doigt dessus, mais j’y travaille.

 

Ce corps qui porte alors les stigmates du temps mais aussi de mes fluctuations rapides de poids entre mes périodes d’anorexie et mes périodes de boulimie, trois grossesses, des allaitements….Ces bras flasques qui pendouillent, ces cuisses qui subissent la loi de la pesanteur de manière violente, ces seins qui n’en peuvent plus de passer du 90 B au 100 D-E…ce ventre reconstruit mais qui subit….

 

Et puis une rencontre….comme celle qu’on ne vit qu’une fois ….une parenthèse dans ma vie, le vol de ces heures….un partage sans faille, quelqu’un qui est là qui vous engueule tout en vous épaulant dans la même seconde, « bienveillant » j’ai aussi appris le sens de ce mot à côté de cette personne. Les mots justes sans pitié qui claquent, blessent et paradoxalement ouvrent des portes….

De cette rencontre, il me reste essentiellement une phrase :

 

« ton corps est un magnifique palimpseste et je l’aime pour ce qu’il est justement ».

 

J’ai du alors chercher quel était ce mot, l’inculte que je suis…Un mot jeté presque par hasard et si je ne l’avais pas si bien connu j’aurais pu le croire. Un mot qui résonne en moi, oui, ce corps est quelque chose que j’ai détruit et reconstruit de manière successive, tout en gardant l’historique des traces anciennes. Quand on le regarde : il traduit des douleurs passés mais aussi des moments de douceurs, de plaisir. Ce corps commence à doucement à n’être plus le miroir du « Tout le dedans sème le dehors et tout le dehors creuse le dedans ». Sourires…..En tout les cas ce mot qui maintenant me suit, tapi dans un coin de ma tête. Un mot qui m’apaise et me permets pas (encore mais qui sait ?) de l’aimer ce corps, non, mais de le regarder sans trop de dégoût, de le faire sien et d’accepter qu’il m’accompagne….sans me suivre, ni me précéder….

 

R.A.S

Rien à signaler c’est vrai. C’est ce que n’importe qui pourrait se dire en me voyant dans la rue. Mince, sans tare physique apparente. On pourrait même me détester. Oui, moi et mon 38 trop grand qui me tombe sur les fesses, moi qui peux manger ce que je veux, en quantité que je veux, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Mais si tous ces gens savaient à quel point ça explose dans ma tête, à quel point j’abhorre mon corps.

Voilà. Vous avez le parfait exemple de la douleur invisible, donc inexistante pour les autres, ou pire encore, illégitime. Cette envie de s’ouvrir la bras du poignet au coude qui ne parle qu’à vous. Cette petite voix qui ne crie que pour vos tympans. C’est vrai après tout, qui pourrait deviner ? Personne n’est là au moment des faits. Personne n’était là pour me voir quand j’étais à l’hôpital psychiatrique pendant des mois. Personne lors des tentatives de suicide. Personne lorsque j’étais en sous-poids. Aujourd’hui toujours personne n’est là pour voir les cicatrices sur mon bras puisque je prends bien soin de les cacher avec des manches longues tout au long de l’année. Personne à nouveau n’est là pour celles de la cuisse droite. Personne encore lorsque je me penche au dessus des WC pour vomir.

Non, définitivement personne. Puis ça m’arrange bien il faut dire. Il me suffit d’un sourire pour avoir l’air « normale » et sauver les apparences dans la rue ou à la fac. Non franchement c’est génial. Bien plus facile que d’avoir à expliquer la dépression et la boulimie.

– K –