Catégorie : Poids
Le jour où je me suis dévoilée
J’ai caché ma chevelure. J’ai perdu mes cheveux. J’ai milité pour le respect des femmes voilées mais lorsqu’on me demandait pourquoi je le portais, ce voile, j’avais beau dire que c’était pour respecter ma croyance, cela sonnait faux. J’avais le sentiment de me mentir à moi-même car en réalité je n’avais qu’une envie: celle de disparaître.
Un jour donc, j’ai réussi à ouvrir mon coeur à nouveau. Et là, je l’ai senti vibrer. Chaque moment de bonheur m’a permis de sortir de ce marécage boueux dans lequel je m’étais empêtrée. Je l’ai quitté. J’ai mis des années à le faire mais je l’ai fait. J’ai repris possession de mon corps et de mon esprit. Ce corps détesté a été apprivoisé. J’ai perdu une trentaine de kilos, juste après avoir décidé de vivre ma vie. Une carapace qui éclate et une liberté retrouvée. Petit à petit je l’ai aimé et mis en valeur. J’ai quitté ce qui me cachait pour me révéler.
J’ai encore du mal à cicatriser. Inutile de dire que je me suis fait lyncher par ces femmes autour de moi qui m’ont vue changer et m’éloigner d’elle. Mais j’assume. Je m’aime suffisamment pour me révéler. Je ne suis pas totalement réconciliée avec moi-même et le chemin sera encore long. Mais la guérison est là, pas très loin. Mes cheveux ont repoussé, pas encore totalement mais ça vient. Je me sens jolie parfois, et juste pour moi. Pas pour plaire à qui que ce soit. Je n’ai rien à prouver à personne. Juste à être. Et c’est déjà bien.
Des courbes et des os
Mon corps et moi c’est comme une histoire d’amour. Il y a eu des hauts, des bas, des jours avec, et des jours sans.
La dysmorphophobie a toujours rythmé ma vie, avec cette impression d’être dans ma peau comme on flotte dans un manteau trop grand. Sauf qu’un manteau, on peut l’enlever .
J’ai martyrisé ce vêtement pendant des années. À grands coups de privations, de vomissements. J’ai bu des litres et des litres d’eau tous les jours, fumé comme un pompier. Puis quand la tentation était trop forte, je mangeais en une fois ce qu’on absorbe en une semaine. Puis la crise. Les conséquences, la prise de poids, la culpabilité, le dégoût.
Je n’arrivais pas à percevoir ni ce que je devenais, ni ce que j’étais.
Et nous savons tous comme la plèbe peut être cruelle, surtout dans ses jeunes années. Les avances maladroites, violentes, parfois crues, n’aident pas à construire un égo stable, ou assez conséquent pour pousser vers l’avant. Les remarques, les questions, les taquineries, les moqueries, sont autant de grains de sel qu’on saupoudre sur une plaie gangrénée.
Les amours aident parfois, et dans d’autres cas, ce n’est pas suffisant. La comparaison. Se comparer aux anciennes conquêtes, à celle qui passe sur le même trottoir, aux fréquentations.
J’ai toujours été très discrète sur cette partie là de ma psyché.
Là aussi j’épargne beaucoup de détails.
Parce que si nous ne faisons pas de concours de peines, ou d’épreuves, nous avons toutes connu des souffrances, qui se rejoignent, parce que si elles ne sont pas liées à la psyché, à la construction de la personnalité, ou de l’estime globale de soi, c’est au corps que nous nous référons.
Aujourd’hui, j’ai vingt-deux ans. Je mesure 1m60, ma balance m’indiquait 52 kilos dimanche dernier. J’ai perdu dix kilos suite à une rupture difficile. Et j’ai hâte de reprendre du poids.
Parce que si aujourd’hui mon corps est un vrai chantier, et qu’il changera tous les jours de ma vie, je l’aime. J’aime mon bassin, trop étroit, mes clavicules saillantes, mes vertèbres exhibitionnistes. Mais j’aime d’avantage mes seins, mon ventre rebondi, mes fesses rondes, mes joues pleines.
Aujourd’hui je n’aime pas seulement ce manteau.
Je m’aime, et de jour en jour, on me le rend plutôt bien.
Circé
Quoi mon corps
Du plus loin, que me revienne….
Du plus loin, que me revienne,
L’ombre de mes amours anciennes,
Du plus loin, du premier rendez-vous,
Du temps des premières peines,
Lors, j’avais quinze ans, à peine,
Corps tout blanc et maigre des genoux
J’ai toujours eu un physique maladif : des grands yeux sombres, un teint pâle et un IMC ras des pâquerettes.
Les premières réflexions désagréables ont commencé à l’adolescence « c’est sûr tu n’as pas besoin de faire de régime toi, t’es maigre », « tu devrais prendre du poids, tu fais peur là ».
Et oui c’est bien connu si tu es maigre c’est que tu l’as choisi, t’avais qu’à manger de la mayo avec tes frites à midi.
Et tu as beau expliquer aux gens que « Le maigre » ne se contente pas forcément d’une feuille de salade et d’un verre d’eau à chaque repas, qu’il ne court pas un marathon tous les jours, que certaines réflexions peuvent êtres blessantes, tu te sens parfois bien seul(e) avec tes os.
A la vingtaine les réflexions désagréables sur ma maigreur (et dire que médicalement je n’ai même jamais été réellement « maigre ») étaient extrêmement nombreuses.
Puis il y a eu ma grossesse pour laquelle j’ai pris un peu de poids (normal quoi) et surtout après laquelle j’ai gardé une petite bouée autour de la taille. Et là les réflexions ont pour ainsi dire cessé.
Cinq kilos en plus (uniquement sur le ventre parce que c’est quand même plus rigolo que cinq kilos bien répartis) et d’un coup je gagnais en respectabilité corporelle.
Sauf que je ne m’aimais pas avec cette bouée qui se transformait en pâte à pizza dès que je regardais mes pompes, j’ai donc pour la première fois en 30 ans fait attention à mon alimentation et je nage à nouveau sans bouée.
Je suis à nouveau très mince et ma foi ça me convient. Et je pense que si désormais je n’ai que rarement des réflexions désagréables c’est aussi parce que j’ai fini par m’excepter comme je suis.
En revanche en tant que FMAAC (fausse maigre anonyme anciennement complexée) je suis très en colère quand j’entends ou lis (notamment sur internet) les amalgames entre maigreur/minceur et anorexie et les commentaires du genre « y a pas à dire une fille maigre c’est quand même trop moche horrible quoi». Je sais que ces commentaires se font aussi en réaction à certains diktats extrêmes de la minceur-maigreur mais j’ai envie de dire (non plutôt d’hurler) que si le corps humain est à la fois si beau et si troublant c’est parce qu’il est diverse et qu’aucune discrimination sur le physique n’est légitime.
Elle fut longue la route,
Mais je l’ai faite, la route,
Celle-là, qui menait jusqu’à moi
Et je ne suis pas parjure,
Si ce soir, je vous jure,
Que je me sens bien mieux comme ça
Olympe la courge
Le jour où je me suis incarnée
Pendant 32 ans j’ai vécu dans un contenant charnel, ce que l’on appelle une enveloppe « corporelle » je crois… C’est très étrange à décrire car à l’heure où j’écris ces lignes, j’ai l’impression que je me souviens de ma vie psychique, de mes pensées mais je n’ai aucune conscience de la vie de « mon » corps… Jusqu’à il y a 6 mois, je n’avais pas d’identité corporelle, enfin pas d’identité tout court, mise à part celle que j’ai entendu les autres me donner dès ma naissance… A peine née, on disait déjà à ma mère : « attention, isabelle elle sera grosse »… Alors, Isabelle a grandi avec cette crainte, cette ligne de conduite qui a guidé ses premiers pas vers la nourriture… Attention, danger, tu seras grosse… Cela n’a pas manqué… J’ai toujours été la grosse Isabelle… Celle qui, enfant, se cachait pour manger ces bonnes choses qui lui étaient interdites… petits moments coupables et honteux de plaisir volé… et il fallait alors que je mange le plus possible sans savoir quand serait la prochaine fois où je pourrais remettre la main sur ces aliments interdits… et je me remplissais…
Petit caractère rebelle à l’origine, j’ai vite appris à me taire, à me conformer à ce que l’on attendait de moi, tétanisée par la trouille de l’autorité… et je me remplissais…
Les 32 premières années de ma vie peuvent se résumer à « SOIS GROSSE ET TAIS-TOI »… Je n’existais pas… « Moi » je l’ai bien caché sous 133kg de carapace…
Je n’ai jamais été une fille. Par exemple, je n’avais pas le droit aux cheveux longs, fallait que ça aille vite le matin pour se préparer et mes boucles naturelles auraient ralentis la routine millimétrique du quotidien… Un détail parmi tant d’autres qui illustre mon enfance… j’étais alors une enfant docile, sage, obéissante… et je me remplissais…
Je n’ai jamais été une jeune fille… J’étais une grosse, pas une fille… Et mes premières tentatives de coquetteries se sont soldées par tant d’humiliations… Pourtant j’aimais ça moi, jouer à la fille… Alors, pour ne pas quitter ce chemin identitaire prédestiné, je rajoutais des kilos sur chaque tentative de rébellion, c’est que je n’ai pas été facile à faire taire hein ! … et je me remplissais…
Je n’ai jamais été une femme… jamais… je ne sais d’ailleurs rien en dire… Par contre j’ai été (et je suis) une mère ! Avec le recul, je me rends compte que mes maternités ont été les premières prises de contact entre « mon corps » et « moi »… Ce n’est d’ailleurs pas innocent si je les ai vécues à l’extrême, dans la rébellion, et paradoxalement dans une confiance totale en ce corps… J’ai donné naissance à mes fils à la maison… première histoire juste mon corps et moi… première réussite, seule, avec mon corps… Par contre, vous remarquerez que je n’ai pas porté de filles… ce n’est pas un hasard pour moi, à cette époque-là de ma vie c’était inconcevable que je sois la mère d’une fille… c’est quoi une fille ?
Mais inlassablement, mon enveloppe corporelle grossissait… Elle me protégeait en définitive… Elle me permettait d’être obéissante, de faire ce qu’on attendait de moi, être grosse et me taire… Réduire tout mon être à ce gras, pour que personne (et surtout pas maman) ne voit qui j’étais vraiment, là bien caché à l’intérieur…Comme ils étaient gentils ces kilos… Braves petits soldats protecteurs… Ils m’ont donné une identité… La bouffe c’était ma vie… Du plaisir officiel d’aimer bien manger, au plaisir honteux et coupable de se remplir. J’ai l’impression que toute ma vie a tourné autour de la nourriture, entre les régimes, les crises de boulimie, l’éveil à l’alimentation bio, le combat contre les allergies alimentaires de mes enfants… La bouffe, la bouffe, la bouffe… tout le temps… parce que c’était, en fin de compte, le seul plaisir qui m’avait été permis vu qu’il m’avait aidé à me mouler… y a de quoi devenir schizophrène vous ne trouvez pas ? Faut pas s’étonner si j’ai terminé psychologue !
Putain je me suis fait taire sous le gras ! J’ai étouffé « Moi »… Parce que « moi » était bien trop dangereux pour le fragile système familial… Je peux très narcissiquement dire que je suis le « symptôme » comme on dit en systémique…
Et un jour, j’ai sauté le pas… Une thérapie… c’est la seule chose que je n’avais pas encore essayé pour perdre du poids… Alors je suis allée consulter une kinésiologue praticienne en EFT parce que cette thérapie passe par le corps pour atteindre l’esprit… Parce que je me suis dit que si ces kilos ne voulaient pas me quitter c’est que « mon corps » voulait me dire quelque chose, fallait que je l’aide à me parler … Et j’ai relu toute ma vie, pas pour perdre des kilos en définitive mais parce que j’en avais marre d’avoir mal à « Moi ». Alors on a parlé des émotions, des humiliations, du « t’es une bonne à rien », de la pression du « sois parfait », de la relation à la mère, du sacrifice, du contrôle, de l’éducation, du plaisir, de la féminité…
Mais j’ai encore continué à me remplir un peu, parce que ce n’est pas facile de prendre les commandes, de se mettre aux manettes de sa vie…
Et d’ailleurs, j’ai failli prendre le pouvoir de manière extrême… c’est tout moi ça, faut toujours que je sois excessive… comment mieux contrôler sa vie qu’en n’y mettant fin ?
Oui l’idée m’a effleurée… Il y a 6 mois je n’avais plus que deux possibilités… La mort où le bypass… vu que manifestement, même avec la thérapie je n’étais pas capable de réussir…
Puis est venu ce jour… Le jour où je me suis incarnée… Ce jour-là j’ai fait la connaissance d’une femme formidable, qui a fait un témoignage de vie… Elle m’a parlé de son histoire, de sa chirurgie de l’obésité… et je lui ai parlé de mon histoire… Elle a eu ces mots… Tu peux opérer ton corps mais ça n’opérera jamais ce que tu as dans la tête… Et ces paroles-là, qui dissociaient le corps de l’esprit m’ont juste permis de relier « mon corps » et « moi »… Putain de merde… j’ai un esprit ET j’ai un corps…
Je venais de connecter le fusible… de brancher le courant… et tout le travail thérapeutique qui était dans ma tête, j’ai pu le faire passer dans mon corps… et j’ai pu entendre tout ce que mon corps avait à me dire…
Et je suis venue au monde… je me suis incarnée… j’ai fait connaissance avec moi-même… j’ai pris la décision de vivre… de vivre MA vie… de ne plus me faire taire, de ne plus avoir peur, d’être là, entière, et putain, de vivre… Et pour la première fois de ma vie… je n’ai plus eu faim ! J’ai arrêté de me remplir… et mes petits soldats, mes kilos, ils peuvent partir, je n’ai plus besoin d’eux… Ils ne sont plus mon identité ! 6 mois plus tard, 27 kilos sont déjà partis, sans « faire régime », ni me priver, ni me frustrer !!! Je n’ai plus faim… Je n’existe plus uniquement par et pour la bouffe ! La nourriture maintenant me sert à faire fonctionner mon corps…
Lui et moi on fait connaissance… on s’entend plutôt bien d’ailleurs ! Je suis certaine qu’on va vivre une belle histoire !
Je m’appelle Isabelle, je suis une femme… et c’est aussi simple que ça…
L’autre moi
L’hyperphagie boulimique… j’ai entendu ce mot pour la 1ère fois il y a 2 mois. Je ne savais pas que cela existait, que c’est cette maladie qui me bouffe en me faisant bouffer. Comme si cela allait me rassurer de savoir que tout n’est pas complètement de ma faute, car c’est une maladie. Comme si des problèmes extérieurs à moi pouvait expliquer ce ventre, ces bras, ce corps que je ne (re)connais pas.
J’aimerai tellement trouver la force de me séparer de cette « autre moi », qui me remplit non pas de joie mais de honte, de tristesse, de mal-être … en plus des kilos.
Je suis à la recherche de ce qui pourra m’aider à mettre fin à cette idylle forcée. J’ai essayé la psychanalyse, mais ce n’est pas pour moi. On m’a parlé de thérapie comportementale et cognitive, de gelstat thérapie, de réunions collectives….
J’ai déjà dû mal à digérer le mot « obésité sérieuse » (jeté sans ménagement par ma nutritionniste) alors comment entamer cette démarche qui je sais, va être douloureuse, va remuer des sentiments que je n’ai pas envie de remuer, des souvenirs que je préfère laisser où ils sont?
Aujourd’hui, je suis perdue, j’ai mal, je n’aime pas ce corps où j’ai l’impression d’être enfermée, prisonnière. Les gens pensent que je suis fainéante, qu’il suffirait que « je me bouge » pour retrouver ce petit 42 que j’ai perdu. Puis après tout, « il vaut mieux faire envie que pitié »…
Alors je leur dis oui, parfois je ne dis rien et je subis leur critique, leur regard de pitié, de mépris parfois malgré leurs bons mots…
Et je me tourne vers cet « autre moi », qui me consolera, qui me dira que » tout ça, ce n’est pas de ma faute : c’est celle de la thyroïde! et puis de l’hyperphagie! et puis des hormones en folie! et pis de l’arrêt du sport! ».
Elle me dira qu’il faut pas que je m’inquiète pas, que « ça va revenir quand tout ça sera réglé ». Ensuite, cet « autre moi » me fera éviter les miroirs, me fera éviter ces regards qui jugent et me réconfortera avec 2 ou 3 tablettes de chocolat et quelques gâteaux.
Un jour peut-être, je trouverai suffisamment de force en moi de dire STOP à tout ça, mais aujourd’hui l’énergie me manque, même pour pleurer …
Alors pour l’instant, je mange….
Je n’ai plus faim
J’avais 13 ou 14 ans quand je l’ai rencontrée, mon amie de 20 ans.
Elle a toujours été là pour moi. Dans les moments heureux, les moments tristes, les moments de solitude, elle était à mes côtés.
Elle m’a même probablement sauvé la vie.
Mon amie, c’est l’hyperphagie boulimique.
Mais elle m’a aussi gâché des années de vie. 20 ans. Pendant 20 ans j’ai mangé, pour remplir un vide abyssal. Les kilos sont venus par vagues, comme une marée montante, allant et venant au fur et à mesure des régimes.
Parce que pour tout le monde, il n’y a qu’un régime qui pouvait me faire maigrir, je ne suis « qu’ une grosse qui manque de volonté ». Forcément, c’est pour ça qu’on est gros. Les gens n’y connaissent rien, ils ne savent rien.
Ils ne savent rien de l’angoisse qui monte, monte, jusqu’au moment où tu perds les pédales et que tu manges des kilos de bouffe, n’importe quoi, jusqu’à t’en rendre malade. Du stress et de la honte que ça provoque, et des dégâts sur le corps. Dans l’hyperphagie boulimique, on ne se fait pas vomir. D’où l’accumulation des kilos, et la mort à petit feu que l’on se donne au quotidien.
Les gens ne comprennent pas que quoi que tu fasses, quel que soit le régime que tu entreprends, les crises reviendront, invariablement. Et tes kilos avec, encore plus nombreux qu’avant. Et que tu n’y peux juste RIEN.
Alors moi, je me disais que c’était comme ça, que rien n’y ferait.
Quand j’ai rencontré mon Amour, celui qui m’a aimée comme j’étais, j’ai eu envie de mettre un terme à mon amitié avec Elle, parce que je n’avais pas envie d’une histoire à 3.
J’ai cru un temps que ça allait mieux, après la naissance de mon fils, j’ai même entamé un régime hyperprotéiné.
J’ai beaucoup perdu. Et beaucoup repris.
Parce que quand j’ai cru que tout s’arrangeait enfin, les crises sont revenues, plus fortes que jamais. En un an, j’ai perdu et repris 25kilos. Oui, en 12 mois, vous imaginez l’état de mon organisme après un choc pareil?
Cela va faire un an que j’ai tout repris. Et j’ai vraiment senti il y a quelques mois encore que je touchais le fond.
Alors j’ai écouté des personnes plus sages que les autres, et j’ai trouvé ma kinésiologue, celle qui a changé ma vie. Il s’est avéré que j’avais de nombreux problèmes lié au transgénérationnel. Des choses douloureuses, des poids, transmis par mon arrière-grand-mère et ma grand-mère maternelles, entre autres.
Ca a été un travail long et douloureux, ma RENAISSANCE.
2 ans de thérapie corporelle, l’Intégration Posturale, et un an de kinésiologie pour venir à bout de mon hyperphagie. Nous nous sommes enfin séparées Elle et moi. Je perds des kilos tout doucement, à mon rythme, sans régime. J’écoute tout simplement mon corps.
Je vais avoir 34 ans cette année, et je crois que je peux le dire aujourd’hui : je suis en paix avec moi-même.
Et je n’ai plus faim.
Peu importe mon poids, je me vois grosse
Il paraît qu’on regrette toute notre vie le corps de nos vingt ans. Et bien, si c’est le cas, je me demande à quoi va ressembler mon corps dans quelques années … Oui, j’ai vingt ans et je déteste mon corps. Pourquoi ? Oh, et bien, le classique « je suis trop grosse ». Oui, mais… C’est beaucoup plus compliqué que ça.
Il faut fuir les miroirs, les appareils photos lors des soirées … Si je croise mon regard dans un miroir lors d’une sortie, c’est fini, les larmes me montent aux yeux et je ne peux plus penser à autre chose… Se détester de la sorte, c’est aussi, quand vous voyez sur Facebook la notification « Machine vous a identifiée sur une photo », cliquer avec appréhension, mettre sa main sur l’écran pour cacher l’image, écarter tout doucement les doigts pour voir et vite se désidentifier, et pleurer, toute la soirée … Mes réactions paraissent sans doute exagérées mais c’est une telle souffrance, c’est plus fort que moi.
J’ai toujours été plus grande et plus grosse que la moyenne. De petite fille rondelette, je suis passée à carrément obèse. Puis j’ai fait mon premier régime, à 12 ans. Je tenais un carnet où je notais scrupuleusement tout ce que je mangeais, tout en comptant les calories. Je m’en autorisais 1000 par jour. Ah ça, pour maigrir, j’ai maigri. Mais j’étais pâle, faible, je m’évanouissais et comble du comble, me voyais encore énorme. Et j’ai regrossi. Et refait un régime. Et regrossi. J’avais réussi à stabiliser un peu mon poids, bon certes, je n’étais pas mince, mais pas vraiment grosse non plus, et à vrai dire je n’y pensais plus trop, j’étais heureuse, certes pas très bien dans ma peau mais je me disais que ça viendrait avec le temps.
C’était il y a deux ans, j’avais donc 18 ans, et à ce moment-là, j’ai décidé de prendre la pilule. Histoire de faire d’une pierre deux coups, j’ai demandé à mon docteur une pilule qui atténuait l’acné car j’avais quelques boutons qui m’agaçaient fortement. Grand mal m’en a pris. Il m’a donné une nouvelle pilule, une de ces fameuses pilules 3ème génération. Pendant deux ans, je ne me suis doutée de rien, mais pendant ces deux ans, j’ai senti ma confiance en moi s’amenuiser de plus en plus, mon stress augmentait, mon poids avec, j’ai même eu la joie de voir apparaître des vergetures sur mon ventre (qui ont presque totalement disparu aujourd’hui, Dieu merci), je n’avais plus goût en rien, rien que de sortir dans la rue était un effort insurmontable pour moi, j’avais l’impression que les gens ne me faisaient que me juger et penser que j’étais grosse. J’ai même eu quelques pensées suicidaires, mon humeur changeait tout le temps, j’ai fait la terrible expérience de la paralysie du sommeil, je pleurais tous les jours, et il n’y avait pas toujours de raison. Mais devant les gens, je faisais bonne figure, il n’y a que mon copain qui a su à quel point je souffrais, mais il ne savait pas quoi faire le pauvre… Je me rappelle encore le jour où j’ai fondu en larmes parce qu’il m’a dit qu’il aimerait mieux que je laisse cuire le riz plus longtemps, comme faisait sa mère… Je ne sais pas combien de kilos j’ai pris durant cette période, mais trop, bien trop … Et là, cet été, ça m’a fait tilt. Je me demandais ce qu’il avait bien pu se passer pour que je me mette subitement à être aussi malheureuse. Et cela coïncidait étrangement avec la prise de cette pilule, ou plutôt devrais-je dire de ce poison ! Je suis allée voir sur Internet, il y avait une liste d’effets indésirables longs comme mon bras dont : « déprime, dépression, pensées suicidaires, prise de poids, vergetures, troubles du sommeil, … ». Tiens donc, quel hasard … Et en parcourant des forum (surtout des forum anglais), j’ai vu que pas mal de filles avaient vu leur vie gâchée à cause de cette pilule.
Alors j’ai dit stop, je suis allée voir mon médecin, qui n’avait pas l’air si étonné que ça. Il m’a juste dit « ah oui ça ne te ressemble pas, normalement tu es plutôt joyeuse ». J’étais joyeuse, oui, il y a deux ans. Je donnerais n’importe quoi pour revenir à cette époque où je rigolais tout le temps, où je ne me prenais pas autant la tête. Mais c’est trop tard. Oui j’ai arrêté la pilule. Oui je vais mieux. Mais ce n’est pas encore ça … Bien sûr, je ne dis pas que tout est la faute de « médicament », il faut l’avoir en soi tout ça je pense … Mais je pense sincèrement qu’elle m’a bien poussée vers ce mal-être. Mais maintenant j’ose sortir dans la rue, j’ose même sortir seule, je pleure nettement moins. Mais si je m’aperçois dans le miroir d’un magasin, c’est toujours comme un coup de poignard qui me transperce.
Je m’en veux tellement. Je suis terriblement en colère contre moi-même de ne pas avoir réagi plus tôt, de ne m’être doutée de rien. Je suis terrifiée par l’idée de reprendre la pilule, même si je sais bien qu’elle ne me fera sûrement pas la même chose. Je n’y peux rien, j’ai peur, j’ai gâché tellement de mois… Pas envie que ça recommence. Et maintenant, mon poids est le point central de ma vie. Je ne pense quasiment plus qu’à ça, comme une égoïste. J’ai l’impression d’être un monstre à côté de mes amies toutes petites et fines. Je repense encore avec une immense nostalgie à ce jour où, après un énième régime, j’étais allée faire les magasins. J’avais essayé une jupe taille 38, et elle était trop grande ! Oui, trop grande ! Mais je ne m’en rendais pas compte, je suis allée chercher un pantalon noir, taille 44, comme d’habitude, et ce n’est qu’une fois chez moi que je me suis rendu compte qu’il y avait bien deux tailles en trop … Ça aussi, ça me fait peur : et si j’arrive à perdre du poids et que je me vois toujours aussi grosse qu’avant ? Je suis (bêtement) persuadée que tout va s’arranger dans ma vie si je mincis. Et si ça ne se passe pas comme ça, qu’est-ce que je vais faire ?
Je suis une éponge
Mon corps à moi me plait assez
Je suis grande, et j’ai été maigre longtemps, pendant mon enfance, mon adolescence, puis j’ai pris des kilos à 15 ans, j’avais enfin des formes, des seins !
Et depuis, je grossis régulièrement. Beaucoup plus ces derniers temps.
Quand on me croise, on peut se dire que je suis bien foutue, mais ce n’est pas tout à fait ça. Non.
Je commence à me dire que je vais devoir faire quelque chose pour mes trois ventres, mes trois bouées. Et mes cuisses aussi.
Avoir des seins plus gros, par contre, ça ne me dérange pas, au contraire ! J’avais toujours rêvé d’en avoir des gros. Je suis passée de la planche à pain au collège à un confortable 90D aujourd’hui, et j’adore les mettre en valeur !
Oui mais le ventre a grossi en proportion…
« Ne fais pas comme ta mère ! » me dit ma mère, qui est ronde, juste ronde, mais qui se voit bien plus grosse…
J’ai trois fesses aussi, résultat d’une mauvaise chute dans des escaliers, c’est resté comme ça !
Mais mon corps est une éponge.
Tout de que je ressens, tout ce qui m’attriste, tout ce qui me stresse, tout agit sur mon corps.
Championne des maladies psychosomatiques.
Je suis stressée. Depuis toujours.
Depuis toujours j’ai des maux de tête à force de serrer mes mâchoires en permanence.
J’ai connu une rupture difficile, j’en ai récolté un tas de cheveux blancs, une urticaire géante qui réapparait souvent, en plus « gentil », juste des petites plaques, des méchantes démangeaisons quand je suis stressée, quand j’ai chaud, quand je transpire, quand je suis serrée dans mes vêtements, quand je suis au soleil…
Et j’ai la « gratouille », ce toc stupide qui me vaut des cicatrices, c’est plus fort que moi, le moindre bouton, le moindre truc qui dépasse, je gratte.
Sous mes cheveux surtout : ça ne se voit pas ?
Si. Mes gestes se voient.
Toute la journée, quand je travaille, quand je réfléchis, quand je suis stressée, j’ai ce réflexe. C’est plus fort que moi. Et je me dis que les gens autour de moi doivent trouver ça bizarre. C’est comme ça.
Je me dis que je devrais me mettre au yoga, me relaxer… je devrais…
Quand j’aurai fini ma thèse et que je trouverai une bonne raison pour prendre des vacances, des vraies.
Pour que mon corps se détende réellement, au moins une fois.
Me réconcilier avec mon corps
Mon corps, j’ai longtemps été en désaccord avec lui. Ca a commencé à la puberté. J’ai commencé à avoir des poils partout sur les jambes (merci papa), et ma poitrine a surgi de nulle part. Je n’ai rien compris car je me suis retrouvée avec une poitrine qui était trop grosse et trop lourde à mon goût (merci maman) et moi qui étais d’un naturel timide, me retrouver avec ces deux obus ne m’a pas aidé à prendre confiance en moi. C’était trop voyant, comment allais-je passer inaperçu désormais ?
La puberté, l’adolescence, c’est l’âge des premiers amours, seulement moi je n’attirais pas les garçons de mon école, et encore moins ceux de mon âge. Je ne le comprends que maintenant, parce qu’à l’époque je mettais ça sur le compte de ma mocheté, de mes fringues, de ma non popularité, je me disais que j’étais une fille quelconque. Faisais-je plus vieille que mon âge ? Certainement, car j’attirais toujours des garçons plus mûrs, beaucoup plus âgés. Je l’ai surtout remarqué quand je sortais les weekend. C’est surtout cette période du collège qui m’a posé problème, me retrouver formée d’un seul coup, je n’y étais pas préparée, et puis les jeunes ne sont pas tendres entre eux. Je ne me souviens pas d’en avoir parler une seule fois avec ma mère, on ne parlait pas de ça. Mais j’ai fait avec, parce que je suis une fille docile, parce que je suis discrète, parce que de toute façon je n’avais pas le choix. Me fondre dans la masse.
Ce passage de ma vie a certainement laissé des traces pour le futur, je n’ai jamais été du genre à ouvrir ma gueule quand il le fallait, et non, toujours rester discrète, ne pas faire d’histoire -se fondre dans la masse- inconsciemment telles étaient mes devises!! Ma timidité a toujours pris le dessus, et puis se faire remarquer c’est risquer de se faire critiquer, d’être mal aimé, et ça, je ne sais pas pourquoi, je ne l’ai jamais supporté. Je me souviens encore d’un garçon de ma classe m’interpellant « hé la grosse! » alors qu’à bien y réfléchir, je n’étais pas grosse, je pesais 57kg (je paierai cher pour faire ce poids aujourd’hui) mais ma poitrine était imposante pour mon âge, on ne voyait que ça, je suis petite, alors voilà, on me voyait grosse, ronde, quelconque.
Mon corps je ne l’aimais pas, j’aurai voulu être plus mince, plus grande, avoir les cheveux raides, des yeux bleus… et bien sûr des seins plus petits ! Être tout le contraire de ce que j’étais finalement. N’empêche… je devais me sous-estimer parce que quand je regarde les photos de moi plus jeune, j’étais belle, ni grosse ni maigre, joyeuse, j’avais de beaux cheveux, et je ne m’en rendais même pas compte ! Et surtout, surtout, j’avais une vision démesurée de ma poitrine, elle me dérangeait tellement que je ne voyais que ça, je la voyais énorme ; j’ai très vite et longtemps fait un 95D, des mensurations parfaites aux yeux de certain(e)s, mais non non non je n’étais pas préparée!
J’aurai du en profiter en portant des vêtements qui m’auraient mis en valeur, [comme le faisait une fille de ma classe à la même morphologie que moi sauf qu’elle on la tagguait direct de salope bref] au lieu de ça je me cachais car j’en avais honte. Se fondre dans la masse. Je m’habillais large en haut, alors forcément je paraissais grosse. Mais… il fallait se fondre dans la masse.
Peut être parce qu’à 9 ans, un soir, j’ai subi des attouchements et que cela m’a traumatisé ? peut être que devenir femme allait vouloir dire attirer le regard des hommes et me voler à nouveau mon innocence ? je ne saurais jamais.
Aujourd’hui, j’ai un mari formidable (qui est plus jeune d’une année que moi, joli pied de nez). Dix ans qu’on s’aime, dix ans pour le meilleur et pour le pire, dix ans qu’il est toujours là et je sais qu’il sera là à mes côtés toute ma vie et vice et versa. Je me rends enfin compte à la trentaine passée, que s’il est avec moi c’est que je ne dois pas être aussi quelconque que ça. Quand je l’ai rencontré je pesais une « soixandizaine » de kilos, c’est beaucoup et en même temps c’est parfait pour ma morphologie, parce que dans ma famille nous avons de gros os, et je sais que je ne referai plus jamais les 57 kg du collège. Je ne suis pas de morphologie fine quoi.
Il a su m’amadouer au fil du temps, parce que ça n’a pas été facile, je ne supportais pas qu’il me touche les seins, objets pour moi de pornographie. Il avait beau me dire que j’étais belle, je ne le croyais pas. Je le crois depuis peu. Et puis au moins il les aime lui mes seins, pas comme moi ! Mais l’amour, c’est plus fort que tout, sa douceur et sa patience ont eu raison de ma gêne et ont fait de moi au fil du temps une amante comblée et parfaite à ses yeux.
En dix ans de vie commune, j’ai prix une vingtaine de kilos, sans m’en apercevoir, tout doucement qu’ils se sont installés ces enflures, et mes seins ont grossi avec, forcément. CQFD. Boulot, chômage, arrêt de la clope, dizaine de kilos, nouveau boulot, régime, soucis familiaux, grossesse, coup bas de la vie, re-grossesse, joie, vie quotidienne, encore des kilos, re régime, re re-grossesse, bonheur, maladie, soucis, et encore des kilos …. qui s’entassent, discrètement mais sûrement.
Inutile de préciser que je n’ai pas allaité mes enfants. Par expérience, allaiter, quand on a une forte poitrine, relève d’un vrai parcours du combattant, je l’ai fait 3 jours comme ça pour voir, parce « qu’allaiter c’est bien » qu’ils nous tannent partout, donc j’ai tenté, j’ai vu, voilà, on en parle plus. Pas à l’aise avec cet acte, pas à l’aise avec mes seins que je n’ai jamais considéré comme nourriciers, plutôt comme un danger car peur d’étouffer mon enfant. Non vraiment ça n’est pas mon truc l’allaitement. Je le laisse aux autres. Mais heureusement je l’ai très bien vécu, toujours ça de pris.
Fin d’année dernière, j’ai eu un déclic. Après une visite de contrôle chez mon docteur, le déclic est survenu. Côté santé tout allait mieux alors voilà c’était maintenant ou jamais. Je suis rentrée chez moi et j’ai annoncé à mon mari que j’entamais un régime, un vrai. Comme ça sur un coup de tête… Cela va faire 3 mois que j’ai changé mon mode de vie, et j’ai déjà perdu dix kilos. Je reprends confiance en moi petit à petit. Et surtout je suis fière de moi car j’en suis capable, c’est pas aussi dur qu’on le pense de tenir un vrai régime quand on est motivé. Manger équilibré et à sa faim (pas Dukkon hein, ça va pas !), tout en perdant du poids, que demande le peuple franchement ?
Bon… question poitrine, à force de grossir et de maigrir et re grossir, avec les grossesses, avec les années toussa, ils deviennent mous, s’aplatissent au niveau du décolleté, mais je ne suis plus du tout complexée comme j’ai pu l’être par le passé. Oh! Regretterais je mes seins d’avant !? Je les ai tellement détesté faut dire, que je les ai malmené. Mais je pense qu’en atteignant la trentaine les complexes passent au dessus, enfin c’est le cas pour moi.
J’ai eu le courage de me prendre en photo récemment pour me montrer aux amies car j’avais besoin qu’on me confirme que cette perte de poids se voyait. Besoin de l’entendre. Je me suis tellement fondue dans la masse que je ne suis même plus capable de me voir tel que je suis.
Je veux perdre encore dix kilos, et je serais de nouveau la jeune femme sur laquelle mon homme a flashé il y dix ans. Pour moi bien sûr mais aussi pour lui.
En écrivant ces quelques lignes je me rends compte que j’ai vraiment perdu du temps à me focaliser sur des détails. Quel gâchis… mais c’était certainement nécessaire à ma construction.
La nouvelle Moi est en train de naître. Je ne me fondrais plus dans la masse.