Je ne suis ni femme ni homme, mais un peu des deux, ou plutôt entre les deux.
En fait, enfant, mon corps m’importait peu. Maman m’habillait « en fille » et ça ne me dérangeait pas, mais je me m’identifiais pas en fille. Je ne m’identifiais que par mon prénom en fait, et je n’avais pas l’oppression du Madame futur. Filles et garçons jouaient aux pogs, à la corde à sauter et aux billes sans sentir de gêne, c’était neutre entre tout le monde, c’était cool.
C’est à la puberté que ça a commencé à merder. Dès mes 10 ans j’ai commencé à avoir des règles (anarchiques) et de la poitrine que je cachais dans un Tshirt serré + un sweat large. Je ne comprenais pas pourquoi, et ne reconnaissais pas la personne dans le miroir.
Je me voyais « garçon raté », j’imaginais une erreur de corps à la naissance pas bien claire dans ma propre tête. Je rêvais aussi beaucoup devant Ranma 1/2 !
Un soir, en zappant à la TV, j’ai entendu parler du « syndrome de Benjamin » (avec secret story ! la seule et unique fois où j’ai regardé sans zapper). Le témoignage d’Erwan m’a énormément parlé. Pas encore totalement, mais tellement plus que ceux qui me parlent comme si j’étais une vraie fille !
Je ne suis pas une femme, je dois donc être un homme trans ? J’attendais donc ma majorité pour entamer les démarches de transition, avec un doute tout de même car j’ai l’impression de mentir un peu quand je me présente au masculin (beaucoup fait au temps d’MSN par exemple, mais impossible dans la vraie vie vue l’apparence de mon corps). Mais est-ce à cause de mon éducation totalement binaire, ou ne suis-je pas un homme transgenre en fait ?
Entre temps j’ai rencontré celui qui est devenu mon mari. Pour et avec lui j’ai abandonné l’idée des opérations, j’ai laissé pousser mes cheveux, et petit à petit j’apprécie certains « trucs de fille », mais sans aller trop loin, sinon je me sens travesti-e, ça sonne faux, voire ridicule.
Je ne reconnais toujours pas la personne dans le miroir. J’ai toujours les poils qui se dressent et le front qui se plisse intérieurement quand on m’appelle Madame, mais je ne dis rien car je ne sais trop que dire, et mes tentatives de faire changer les choses dans mon entourage proche se soldent par du déni ou de la moquerie, alors avec les gens lambda… D’autant plus que j’ai porté trois enfants et les ai allaités. Aux yeux des autres c’est, s’il en fallait, une preuve de plus pour affirmer que je suis évidement une femme. Aux miens, j’ai ce corps qui me fait royalement chier au quotidien, mais j’essaie de profiter des quelques bons côtés que j’y trouve tout de même. Nous ne répondions pas aux conditions d’adoption, alors j’ai porté moi-même nos enfants, même s’il a fallu des
FIV (je me dis que même mon intérieur n’est pas clairement féminin). L’allaitement est pratique, gratuit et très bon pour eux : j’allaite pour eux et par commodité, mais en plus de ne pas y ressentir de plaisir, c’est une nouvelle source de dysphorie.
Les années passent encore : je viens de prendre 30 ans et j’ai tout récemment découvert la non-binarité. Et je m’y retrouve enfin ! Quelque part entre « androgyne » et « demi girl / demi boy » : je suis quelque part sur le spectre entre « femme » et « homme », ou un peu femme et un peu homme – je ne sais pas encore bien distinguer les deux – même si la première formulation sonne mieux à mon oreille/ressenti. J’y ajoute le terme de « fluide » car mon pourcentage sur l’axe H/F peut varier.
Donc je me connais enfin, mais en dehors des concepts binaires et figés qui règnent partout chez nous. Comment alors m’habiller pour être reconnu-e comme je suis par les gens que je croise ? Comment doit-on me parler, m’appeler ? Parmi les formulations proposées par d’autres personnes non binaires, je préfère le pronom « iel » au lieu du « elle » qu’on me sort à tout bout de champ. Qu’on utilise mon prénom, ou mieux, Mané (je pense atteindre un orgasme si quelqu’un m’appelle comme ça en vrai !) pour m’appeler et surtout pas « madame ». Monsieur me dérange moins déjà mais ce n’est pas envisageable avec mes formes… J’espère donc perdre beaucoup de poids et subir une grosse réduction mammaire pour pourvoir m’habiller de façon plus androgyne. Les accords féminins me gênent beaucoup aussi. Certain-e-s utilisent un « E » final pour inclure les hommes, les femmes et aussi tous les autres. D’autres mettent un « e » entre tirets, ou avec des points médians (·). On peut aussi utiliser une terminaison en « æ » ou en « euxse » qui me plait assez. (ex : « Iel est heureuxse. ») Je n’en ai pas (encore) l’habitude alors j’écris au masculin, mais ça me gêne parfois, alors j’ajoute « -e » en général. (ou Alt + 0149 pour faire le point médian, mais je ne m’en rappelle jamais…) Et, autant que possible, je tourne mes phrases pour ne pas avoir à y mettre (ou pas) une terminaison féminine. (au lieu de dire « je suis étonné-e », je dis « ça m’étonne ! »)
Et si vous n’avez rien compris… ça marche mieux avec un dessin ?
Traduction rapide :
Il faut comprendre que notre carte d’identité nous désigne homme ou femme juste parce qu’un docteur à regardé entre nos jambes à la naissance et croit que la forme des organes génitaux coïncide forcément avec notre genre. (et ils font du forcing aux parents d’enfants intersexe pour les mutiler et choisir à la place des premiers concernés !)
PS : il est également faux de prétendre que femme = XX et homme = XY. Demandez à un généticien (ou à wikipédia).
L’apparence physique n’a rien à voir non plus avec le genre. La société occidentale a décidé que seules les femmes peuvent porter des robes à fleur sans être ridicules. C’est fondé sur rien du tout.
La vie sexuelle (ou asexuelle) et romantique (ou aromantique) n’est pas liée au genre non plus. (et ça ne regarde personne)
Seule la personne concernée peut juger de son genre/identité, et personne n’à rien à y redire.