Mon corps, mon dégoût

Moi, c’est Naelwynn, Nael pour les intimes.

Mon véritable prénom me dégoute a peu près autant que mon corps pendant longtemps. Il correspond a une personne qui est morte avec ce corps. Elle n’est là que pour les formalités en somme.

Mon père a abusé de moi dans mon enfance jouant avec ce corps comme on jouerait avec une poupée de chiffon. Méprisant l’humain derrière le corps! il l’a fait tellement souvent qu’a l’adolescence, mon corps avec ses rondeurs de femme m’effrayait et m’attirait. Je me sentais comme prisonnière a l’intérieur. Comme coincée dans une carapace qui ne serait pas a ma taille. Cette poitrine généreuse presque insolente offerte au monde avec ses cuisses fermes et ses hanches généreuses, bref, un corps de femme mais un coeur d’enfant.

Il m’a fallu du temps pour me l’approprier, me sentir moi, accepter cette féminité autrement que pour servir de jouet. Apprendre a controler une sexualité naissante avec ce tas de chair dont je ne savais que faire a l’époque! Ce corps aura subi deux grossesses, une première en 2008 qui m’aura réconcilié avec lui, j’adorais me voir enceinte. Ces courbes rondes, abritant la vie, ayant enfin un sens final! De quoi etre fière. La seconde grossesse l’aura ravagé, plus difficile, il aura été le témoin de cette souffrance qu’on a vécu mon fils et moi, lui coincé a l’intérieur et moi a l’extérieur ne pouvant rien faire de plus que d’attendre. Et voir ce corps se tordre, se déchirer, ce nombril ressortir a n’en plus finir, jusqu’a ce que cette boule de chair et de graisse reste là!

Depuis, on retente de s’accepter ce corps et moi. Malgré les traces laissées par mes fils, cette boule qui déforme mon nombril, je me sens enfin en paix avec lui, prete a évoluer et lui laisser le temps de redevenir, non pas parfait, mais a mon image : un corps de femme, mais aussi de mère! Et voir que ce corps plait beaucoup plus qu’a l’époque ou il était quasi parfait est comme une victoire supplémentaire!

Cheville reconstructrice et ventre immaculé…

Cette femme existe comme un tout et non comme des parties, elle l’a compris un jour en brulant sa cheville dans un hammam. Elle vous montre sa cheville parce qu’elle en est fière. Cette cheville brulée au 3ème degré, 6 semaines de souffrance absolue, de décollage des nécroses au scalpel, millimètre par millimètre. Tous les soirs la visite de son infirmier, bien plus que cela. Un travail d’orfèvre, les mots qui soulagent quand la douleur devient intenable. Et surtout l’acceptation du corps meurtri :  » si tu veux guérir tu dois la regarder cette cheville. Elle a souffert, elle ne mérite pas en plus que tu la rejettes. Elle fait partie de toi ». Enfin mon regard accepte de se poser sur cette partie de moi, de voir les chairs à vif et presque comme un miracle la cicatrisation… au-delà de toutes les espérances. Plus encore c’est le début d’un long cheminement vers une autre vie professionnelle qui fera d’elle une thérapeute.

 

Cette femme encore. Son ventre est plat et lisse, cette fois il n’affiche pas de cicatrice à l’exception de l’exérèse d’un gros grain de beauté. Il n’a jamais donné la vie et pourtant elle est maman. Sa cicatrice elle est au fond du coeur et au fond de ses tripes alors faute de scan cardiaque et d’écho elle vous montre son nombril. Son nombril immaculé à l’extérieur, ses tripes ravagées à l’intérieur par les colites. Et ce jour où sa fille est née d’un autre ventre, ce jour où elle n’était pas à ses côtés, comment aurait-elle pu savoir ? Ce jour là elle avait écrit dans son journal  » je n’ai pas pu me rendre chez M… car j’étais pliée en deux, parcourue de douleurs et de spasmes nous avons du rentrer à la maison et j’ai du m’allonger.

Depuis elle s’est levée la nuit pour réconforter sa fille, le matin pour les biberons, elle a peur pour elle, et surtout elle rêve pour elle.

Elle est une maman pour de vrai comme son ventre ne l’indique pas.