Je suis obligée, c’est comme ça, tout le monde me le dit !
Le corps médical, les media, mon entourage, des inconnus…
Mais pourtant, je n’y arrive pas. Enfin, si, quand je suis déprimée, quand je me rends compte qu’il m’embarrasse, qu’il m’empêche de faire quelque chose de simple…
Aujourd’hui, pour la première fois, je me suis prise en photo nue et j’ai aimé le résultat. Et merde, comment je vais faire ? Une raison de plus qui me fait aimer mon corps, alors que je ne devrais pas.
J’ai toujours été grosse (oui, pas « ronde » ou « forte » ou « costaud » ou je ne sais quoi) et on me l’a toujours reproché et je me suis toujours sentie coupable. Et je me sens toujours coupable.
C’est pas faute d’avoir essayé de le changer à coup de régimes, de centre spécialisé, d’opération… Pendant 20 ans.
Le pire, c’est que j’essaye toujours. Visiblement, je n’ai pas trouvé la bonne méthode.
Ce qui me gène, c’est ce sentiment de culpabilité qui me ne me lâche jamais. C’est fatiguant de vivre avec.
J’ai vu un nouveau médecin récemment et j’ai dû me concentrer quand je lui ai fait l’historique de mes tentatives pour bien mettre en avant le fait que je reconnais être la seule responsable de mes échecs.
Parce que, bien sur, c’est de ma faute, personne ne me force à bouffer.
Je ne vais plus chez le médecin quand j’ai mal au dos, au poignet ou n’importe où, d’ailleurs.
De toutes façons, c’est à cause de mon poids.
De toutes façons, c’est ma faute.
Un médecin m’avait dit qu’à la fac de médecine, on leur enseignait de ne pas nous soulager pour nous convaincre de perdre du poids.
Donc j’ai mal. Tout le temps. Tous les jours. En permanence. Partout.
Mais je n’ai pas le droit de me plaindre parce que c’est ma putain de faute.
Je n’ai même pas l’excuse de dire que c’est une maladie qui me fait grossir.
Non, non, c’est juste de ma faute à moi. Je suis la seule responsable.
La seule coupable.
Les gens se permettent de me juger, ils me rejettent juste parce que mon apparence physique les débectent, juste parce que je suis trop différente d’eux.
Pourtant, quand il s’agit de me tripoter dans le bus ou dans le tram, de me dire des saloperies, d’essayer de me violer, y’a pas de souci.
Je déteste cet aspect de mon corps, ces grosses fesses et ces gros nénés qui attirent le regard de certains hommes. Ils me débectent mais surtout ils me font peur.
On voit le corps d’une femme là où on devrait plutôt voir celui d’un bébé, quelqu’un sans défense qui a besoin qu’on s’occupe de lui.
C’est vrai, je l’admets, je suis un bébé. J’ai besoin qu’on me protège, qu’on s’occupe de moi, qu’on m’entoure de bras chaleureux. Qu’on me dise que tout va bien se passer, qu’on est là pour moi, qu’on veille sur moi, qu’on me rassure.
J’aimerais en dire beaucoup plus mais je n’en ai pas l’habitude alors les idées, les mots, restent coincés dans mon cerveau.
Mon corps, je l’aime, il est doux, il est moelleux, tout le monde aime dormir dessus ! Mon mari, mes chats, mes enfants, un jour…
Mais je n’ai pas le droit, je dois détester mon corps.