Mes cheveux

cheveux
Du cheveu je ne sais rien.
Du cheveu, comme du corps, que pouvais-je savoir ?
Grandie au coeur d’un gynécée disparu
Élevée sans harem farfelu
Sans voir d’autres sexes velus, touffus, nus,
Sans évoquer le corps de l’autre, homme ou femme
De la sensualité, rien.
Cheveux longs au primaire
Cheveux courts au collège
De mon malaise prise au piège
Cheveux au carré pour le lycée, souples, bouclés, soignés
Raccourcis à l’université
Pour tenter de nouveau de m’échapper
Jamais apprêtée
Encore mal aimée
Aujourd’hui ce court carré je me le suis approprié.
Des cheveux mous, des cheveux doux, des cheveux flous.
Des cheveux fous, partout.
Des cheveux raides, des cheveux longs, des cheveux blonds.
Des cheveux courts, des cheveux lourds, des cheveux gourds.
Des cheveux roux, des cheveux enflammés, des cheveux qui brillent, mordorés.
Des cheveux longs, courts, mi-longs, au carré.
Des cheveux blonds, des cheveux châtain, des cheveux auburn, des cheveux vénitien. Qui est vénitienne ?
Sur mon cheveu, sur sa couleur, il y a des belles paroles des coiffeurs : ils ont une belle masse, ils ont une souplesse, ils bouclent et cela « anime mon visage », « oh, j’aime beaucoup votre couleur de cheveux, avez-vous déjà fait une coloration ? ». Ils sont rares, chocolat cendré.
Mais le cheveu pousse sur un crâne, recouvert d’une peau que j’ai longtemps, longtemps, détesté. Parce qu’elle était couverte d’une pilosité jugée inappropriée pour mon sexe, parce qu’elle est souvent très pâle ou trop réactive. Parce qu’elle me ressemble et que je ne sais pas encore tout à fait bien m’accepter. Longtemps je ne pouvais aller chez le coiffeur parce que j’étais concentrée jusqu’à la nausée sur la phrase qui me tuerait encore un peu plus « Vous avez des pellicules, ouh là là il faut faire quelque chose ». Du plus loin que je puisse me souvenir, une coiffeuse m’a demandé si je m’étais battue avec ma soeur car j’avais des croûtes sur le haut du crâne. Aujourd’hui s’il m’arrive d’avoir cette petite croûte sur le sommet de ma tête, je n’ai aucune certitude quant à leur origine, en revanche leur naissance ne doit rien à personne de précis. Elles sont générées par ma très grande faculté à focaliser sur des points qui me deviennent gênants et trouvent pour se manifester la voie cutanée.

Le jour où je me suis dévoilée

Être une femme, juste pour soi, pas pour l’autre, voilà qui fut difficile pour moi pendant longtemps. J’ai embrassé une religion par choix, à peine adulte et peut être un peu par amour. Amour ou adoration? D’un dieu ou d’un homme? Je l’ignore encore aujourd’hui. Mon bourreau, cet anges tombé du ciel devenu démon me détruira. Ce corps que je n’aimais pas je vais le détester, le haïr, peu à peu. Des insultes, du mépris, des brimades. « Tu es grosse, regarde-toi tu es obèse ». Ou encore « Tes jambes on dirait de la gelée, ça fait des étages ». Sauf que je faisais du 40, que j’étais plutôt mignonne et que mon estime de moi, je l’avais dans les chaussettes.
Cela s’est fait en quelques années. Je me suis enfermée dans un système de pensée qui ne m’a pas épanouie, loin s’en faut. J’étais une femme pour mon mari, un fantôme pour les autres. J’étais éteinte à l’intérieur, morte. J’avais tellement le désir de lui plaire que je me déguisais en femme lorsqu’il rentrait du travail. Pour sortir en revanche, je portais de longues robes, très larges, censées cacher ma beauté mais qui en réalité cachaient ces formes qui n’étaient pas les miennes. J’ai commencé donc à me ronger de l’intérieur, à développer des maladies auto-immunes. Un sourire affiché qui masquait ma déchéance. Plus il me rejetait, plus je grossissais. Mon corps je l’ai maltraité, pour qu’il m’aime. Je me suis infligé des régimes draconiens. J’ai maigri, beaucoup. Ce n’était jamais assez. J’ai forcément repris par la suite et là c’était encore pire.

J’ai caché ma chevelure. J’ai perdu mes cheveux. J’ai milité pour le respect des femmes voilées mais lorsqu’on me demandait pourquoi je le portais, ce voile, j’avais beau dire que c’était pour respecter ma croyance, cela sonnait faux. J’avais le sentiment de me mentir à moi-même car en réalité je n’avais qu’une envie: celle de disparaître.

Il m’a fallu une thérapie, beaucoup d’amour de la part d’amis, de mes proches pour sortir de ce système sectaire. Car dans mon cas, si au début de ma conversion j’étais bien entourée, cela a tourné au cauchemar les années suivantes. C’était trop, loin de ce qui nourrit le coeur et l’esprit. C’était plutôt ce qui entrave et ce qui enferme. Ce n’est pas ma conception de la religion aujourd’hui et d’ailleurs, cela ne l’a jamais été. Mais je l’aimais tellement cet homme que j’ai fait ce qu’il attendait de moi. Une femme « d’intérieur », une femme qui sache se tenir. Pute pour son homme, sainte pour le reste de la société.

Un jour donc, j’ai réussi à ouvrir mon coeur à nouveau. Et là, je l’ai senti vibrer. Chaque moment de bonheur m’a permis de sortir de ce marécage boueux dans lequel je m’étais empêtrée. Je l’ai quitté. J’ai mis des années à le faire mais je l’ai fait. J’ai repris possession de mon corps et de mon esprit. Ce corps détesté a été apprivoisé. J’ai perdu une trentaine de kilos, juste après avoir décidé de vivre ma vie. Une carapace qui éclate et une liberté retrouvée. Petit à petit je l’ai aimé et mis en valeur. J’ai quitté ce qui me cachait pour me révéler.

J’ai encore du mal à cicatriser. Inutile de dire que je me suis fait lyncher par ces femmes autour de moi qui m’ont vue changer et m’éloigner d’elle. Mais j’assume. Je m’aime suffisamment pour me révéler. Je ne suis pas totalement réconciliée avec moi-même et le chemin sera encore long. Mais la guérison est là, pas très loin. Mes cheveux ont repoussé, pas encore totalement mais ça vient. Je me sens jolie parfois, et juste pour moi. Pas pour plaire à qui que ce soit. Je n’ai rien à prouver à personne. Juste à être. Et c’est déjà bien.

Mes cheveux blancs

J’ai 32 ans et toutes mes dents… ! j’ai 32 ans et plein de cheveux blancs !!
Mon chéri aimant me dit trouver très jolis ces fins fils d’argent….

Longtemps j’ai lutté et tenté de camoufler et colorer… mais ces adversaires rebelles finissent toujours par gagner…
Je sais c’est futile… en plus d’être inutile…

Alors je me résigne et j’essaye de les accepter comme autant de témoignages des belles années derrières moi et des inquiétudes éprouvées pour ceux que j’aime…

Je jour où je me retrouverai toute blanchie, je pourrais me dire alors que j’ai eu une belle vie bien remplie…