Je suis à fleur de poil. Duvet, cil, sourcil, pilosité naissante. Autant de marques inaperçues chez les
femmes rousses ou blondes et marquées sur la peau des femmes aux cheveux châtains et bruns.
Durant des années, l’obsession d’enlever mes poils envahissait tout mon espace. Une lutte acharnée,
un combat fatigant, une bataille rangée, presque perdue d’avance. Qu’importait, sinon ôter, ôter,
coûte que coûte. Arracher, toujours. Lisser, encore. Me débarrasser de ces marques pileuses, et pour
celles qui restaient, les redessiner, au prix d’une perte de soi, d’un visage flouté, d’un regard sans
caractère, éloigné des sourcils, toujours plus hauts et foncièrement moins beaux. Des sourcils
dépourvus de caractère. Trop dénudés. Un visage pas structuré. Un corps dénaturé.
Les premières fois que j’ai pris conscience de ma pilosité naissante ce fut la transformation que
mon corps renvoyait au yeux des autres, en premier lieu dans ceux de ma soeur, qui se moqua
« gentiment » de ma pilosité pubienne. Ces scènes sont gravées dans ma mémoire comme des
épidodes de honte profonde, mais… pourquoi ? Le changement, la transformation, la mue font partie
de la vie, une vie qu’on veut vivante se fait étape par étape, le long d’un chemin pas droit, mais
sinueux, parfois tortueux, même en épingles à cheveux. On n’avance pas selon un déroulement
linéaire, plane et continu ainsi que j’imaginais que mes parents le concevaient.
Ces premiers poils, donc, sur le pubis, furent, je suppose, une des toutes premières manifestations
de honte liée à mon corps, à ma sexualité potentielle (a première portait sur la masturbation à
réprimer, je me souviens très, très bien). J’ai voulu, j’ai décidé de mettre un terme à ces poils. Ces
poils dont, allez savoir pourquoi, ma mère est dépourvue. Tout au plus quelques fins sourcils de
moins en moins brun accentuent-ils son regard. La zone pubienne en est pourvue, aussi,
évidemment. Mais ni ses bras, ni ses jambes, ni son bas-ventre ne s’ornent d’un duvet.
Au contraire, j’ai (hérité) d’une pilosité plus que moyennement importante. À partir de ce momentlà,
vers 11 ans, j’ai commencé à badigeonner mes mollets de crème dépilatoire au parfum de
détergeant, une crème pas douce, qui me brûlait les mollets, me provoqua une allergie aux aisselles,
mais qui demeurait le seul outil à portée de ma main contre ces satanés poils. Je me souviens encore
du regard noir de ma mère après que je me sois épilée -juste les mollets- la première fois. Sacrilège.
Blasphème. J’aurais dû attendre le plus longtemps possible avant de le faire. Pourquoi ?
La douleur qui est la mienne dès lors ne fait qu’augmenter, sourde, muette, puisque ni mon père qui
ne supporte pas les poils sur les femmes, ni ma mère qui ne s’est jamais encombrée d’une séance en
institut, ni ma soeur moins poilue ne peuvent comprendre que je passe mon temps, aux beaux jours,
à traquer le moindre poil à l’aide de ma pince à épiler, et à ne jamais pouvoir me mettre jambes
nues, ces jambes plutôt fines que je jugeais toujours trop ceci ou pas assez cela. Ils ne comprenaient
pas ni n’encourageaient de dialogue. Chez nous, de toutes façons, ce n’est pas le genre…
En même temps que j’ai commencé à m’acharner sur mes poils, j’ai alterné, comme beaucoup, les
phases de régime sévère (pour ne pas dire anorexie latente, chez moi, puisque bien sûr, chez moi, on
ne dit pas) et les épisodes de joie gustative. Rares. Trop rares. Au compte-goutte. Toujours la honte.
La culpabilité. La peur du qu’en-dira-t-on. À treize-quatorze ans j’étais mince, maigre, dans un
doute quant à moi-même affreux, insidieux, et sur lequel personne ne me rassurait, à propos duquel
personne ne parlait. Je ne pouvais tout simplement pas continuer ma mue en douceur, il fallait que
ce soit douloureux. La honte.
À la crème dépilatoire a succédé l’épilateur électrique, au passage extrêmement douloureux, presque
violent, et qui laisse des traces rouges pendant une semaine parfois sur le fantôme du follicule
pileux, qui entraîne des repousses différées et des poils incarnés. Puis un matin, je m’aperçois que
l’un d’eux grossit jusqu’à prendre la taille d’un petit pois dodu, là, le médecin s’inquiète, ne prend pas
la situation à la légère, m’enjoint vivement à stopper cette technique dépilatoire. J’ai encore la
cicatrice de ce poil incarné sur la cuisse gauche. Cinq ou six années après, j’ai eu la même,
exactement symétrique, sur la cuisse droite. Ma mère me paie des séances pour l’épilation à la cire.
Pas trop tout de même car c’est cher. Je continue alors à payer le poids de cette souffrance.
Abnégation. Je traque encore la moindre repousse à la pince à épiler. Je me tais. Je m’observe à la
loupe mais ne réclame plus d’autre séance chez l’esthéticienne. Je n’ai qu’à me taire avec mes poils,
« bah, de toutes façons, ça se voit pas tant que ça », me dit ma mère. Quand, étudiante, je la
retrouve un week-end, elle me souligne que quand même tes « sourcils, là, ce n’est ni fait ni à
faire ». Elle ne m’a jamais montré comment faire pour que ce soit bien fait. Pourquoi…
J’achète un appareil à cire pour le faire moi-même à la maison. Cela dure plusieurs années.
Rien ne s’améliore côté repousse, rien n’empire non plus. Mais devant l’ampleur de ma pilosité,
j’abdique. Je ne veux pas me rendre chez une esthéticienne qui …
Tout un pan du corps médical ne m’a pas aidée avec ce corps. Une gynécologue qui recule devant
ma pilosité. Qui espère que je m’épile lorsque j’ai une relation. Une dermatologue que je consulte
pour un grain de beauté, et ouvre des yeux de merlan frit devant mes jambes non épilées.
Un dermatologue m’avait expliqué que si je vivais en Amazonie, je serais considérée comme une
divinité, parmi la population indigène glabre.
J’ai mis cinq ans à retourner voir une dermatologue alors que je suis criblée de grains de beauté qui
doivent être sérieusement contrôlés tous les ans. La mienne est douce, attentive, pas dans le
jugement.
J’ai attendu des années avant de franchir, vaillante, le pas d’un cabinet de gynécologie sans
appréhension. Celle qui me suis est une très bonne diagnosticienne, professionnelle, qui par
conséquent ne tiendrait pas ces propos déplacés.
Aujourd’hui, je sais que des personnes bienveillantes existent. Mon complexe est là, mais moindre.
Ma honte a presque disparu, notamment grâce aux paroles et à l’approche d’une dame tunisienne qui
sait épiler les femmes à la cire orientale (sucre, citron) et ne les juge jamais. Elle sait bien pourquoi
nous les filles un peu poilues venont la voir. Elle m’a promis aussi qu’au bout d’une année d’épilation
régulière les poils diminuaient en nombre et en vigueur.
Je constate une différence. Je lui fais confiance.
Je ne me triture plus les poils, ne scrute plus mes gambettes à l’affût de la moindre tâche noire à
débusquer. J’ai plaisir à aller la voir, on passe un bon moment, elle sait prendre ses clientes, papote.
Pourquoi ne m’a t-on pas accorder cela, rien que cela ? Je ne sais toujours pas.
Auteur : lecorpsdesfemmes
Rester en vie…
Mon ventre, mon sexe, mes seins, tout fragiles, tout froids. J’ai mal. A chaque instant, tous les jours, toutes les heures. J’avais 7 ans, dans mon souvenir (peut-être 5 ans selon un psychiatre) quand tout a commencé. Mon propre père qui me conduit dans le lit conjugal lorsque ma mère est en déplacement pour ses études. Il me touche tout le corps, s’empare de mon âme, de mon cœur…je me laisse faire, j’ai peur, peur de lui, peur de mourir. Il essaie de me pénétrer, mon pauvre sexe se ferme, il me dit « détend toi, je t’aime » mais je suis forte, il ne m’a jamais pénétrée.
Et çà recommence encore et encore, jusqu’à mes 11 ans. Il m’a fait des attouchements sexuels durant peut être 6 ans. Il a massacré mon enfance, il m’a rendue « adulte », renfermée, étrangement mature pour mon âge. A l’école primaire je suis seule dans un coin, je noue très peu de contacts avec mes camarades de classe. Les institutrices ne m’apprécie guère, je ne suis pas jolie, je suis introvertie, je ne montre pas mes sentiments, mon cœur est une ruine, à seulement 9 ans. Je m’enferme dans ma bulle, je développe une myopie, réconfortante, je ne peux plus voir loin, mon avenir est détruit, flou, angoissant comme mon présent.
Aujourd’hui j’ai 27 ans, j’ai eu plusieurs thérapies avec 7 psychiatres et psychologues différents. A chaque fois j’ai stoppé les thérapies avant la fin. Typique des personnalités névrosées paraît-il. Je suis border line. Mon corps maigrit, grossit sans cesse. J’ai de la chance car je monte au maximum à 57kg et je descends à 53kg (pour 1m66), pour le moment çà va plutôt bien. Mais mon ventre sans cesse est tout rond comme un ballon, triste, il revendique une maternité que je ne peux lui apporter. Mon compagnon actuel ne veut pas d‘enfants pour le moment. J’ai subi un avortement à 23 ans, que je regrette chaque jour. Et mon ventre se gonfle tant…un jour ma mère m’a demandé si j’étais enceinte, une amie m’a dit « c’est étonnant ton ventre comme il est rond ». Oui mon ventre est rond,balloné,bruyant, et vide, je suis bouffée par le vide.
Je souffre de dyspareunie, douleur durant les rapports, et cela embête mon compagnon. Il en a assez de m’entendre me plaindre de douleurs. Je n’aime pas le sexe…actuellement je n’ai plus aucune libido. Je me réfugie dans mon monde, je pense aux oiseaux, je les adore, je les trouve magnifiques. Comme eux je rêve d’être libre, ici ou ailleurs. Je rêve que mon âme s’envole enfin, loin d’ici. J’ai mal au corps.
Je ne pourrais jamais vivre dans ton corps
J’ai toujours détesté mes seins. Il faut dire qu’avoir un 90C à l’entrée en 6e, et faire une tête de plus que tout le monde, c’est pas forcément simple pour s’insérer dans la société. Alors j’ai fait du basket, et j’ai trouvé pour un temps ma place…
Mon corps a continué à s’épanouir, encore et encore… Ma tête n’était pas prête du tout! Le regard des hommes… Terrible! Le regard pervers des hommes sur la « petite fille » que j’étais, et que je voulais rester… Certains sont allés plus loin que le regard. A 15 ans, un inconnu m’a fichu la trouille de ma vie en me collant une magistrale main aux fesses… je revis encore cet instant avec stupéfaction 20 ans plus tard… Et mon cœur s’arrête de battre une minute. Et je veux fuir. Et me cacher.
A 16 ans, mon entraineur de basket m’a fait du chantage: soit je couchais avec lui, soit il n’entrainait plus l’équipe l’année suivante… Je crois que je n’ai vraiment pas compris sa proposition. Mon père est mort très tôt, et j’ai vraiment grandi dans l’innocence absolue de ce qu’était un sexe masculin et « le sexe » tout court… j’ai du tilter quelques mois ou années plus tard, quand une des filles de l’équipe m’a rappelé qu’un jour nous avions eu un autre entraineur… Ah oui tiens, il ne m’avait pas dit un truc avant de partir? ‘Tilt’
Je me demande aujourd’hui si ma prise de poids à cette époque n’était pas (aussi) un moyen de me cacher de tous ces regards. « Ne me voyez plus, je suis cachée sous la graisse, je ne suis plus désirable ».
Bref… rien de dramatique au final! J’ai lu des histoires tellement plus graves ici, des viols, des incestes, des femmes battues, des enfants réprimés… Rien de tout cela dans ma petite vie.
Le titre de mon témoignage est une phrase très spontanée lancée par ma mère, me croisant nue dans un couloir de notre appartement, quand j’avais 17 ans… Ma mère-belle-mince-parfaite. Cette phrase résonne encore profondément en moi… surtout depuis que j’ai des enfants. Comment peut-on dire cela à son enfant? Une adolescente de 17 ans pourrait presque entendre » à ta place, je me suiciderais » Ca ne m’a pas vraiment traversé l’esprit, mais j’ai souffert, ca oui.
Ma mère n’a pas été une mauvaise mère, et je pense qu’elle a voulu déclencher en moi un déclic… La seule chose que je pourrais lui reprocher aujourd’hui, c’est de n’avoir pas envisagé autre chose qu’un manque de volonté. Et aussi d’avoir cru qu’être mince était la seule option possible pour être heureuse dans ce monde.
Et si je n’y pouvais vraiment rien? Et si ca ne me dérangeait pas vraiment, de faire 1m, 74 et 75 kilos? Je ne me trouvais pas si mal. Bien en chair, mais bien proportionnée. Musclée. Et ma paire de seins à elle seule comptait déjà pour 3 kilos dans la balance… si j’avais pu l’enlever…
Malheureusement, cette phrase (et surement d’autres éléments) a déclenché le cercle infernal: honte, régime, perte de poids, reprise rapide, régimes, yoyo, remords, haine de mon corps, haine de moi-même de ne pas être fichue de me maitriser, régime etc..
Encore du très classique. Rien de nouveau sous le soleil
Bilan? Aujourd’hui 20 kilos de plus, deux enfants et une jolie bavette.
Etonnamment, depuis que j’ai eu des enfants, je ne suis plus complexée par mes seins. Je pense que l’allaitement y est pour beaucoup. Mes seins, mes énormes seins, ont nourri mes filles pendant leur première année. Ils ont trouvé là leur fonction, leur essence. Je les ai acceptés. Alors que l’allaitement ne leur a pas rendu service… Et pourtant, ils ne me dérangent plus. Ils font partie de moi.
Mon ventre, ma bavette, c’est une autre histoire… Pourtant, ventre nourricier, ventre-maison de mes deux amours pendant 9 mois… mais non. Ce n’est pas toujours si simple.
J’ai beaucoup lu vos témoignages avant de me décider à poster ici. Vous m’avez beaucoup appris sur nous, les femmes, sur moi-même, en tant que femme. J’ai appris, en vous lisant, et parfois avec stupéfaction, que grosses-grandes-maigres ou menues, nous étions toutes névrosées… à différents degrés bien sûr, et sans forcément de connotation malsaine ou maladive. C’est juste un constat. Et une interrogation: qu’est ce qui dans notre éducation commune à toutes, nous femmes de ce monde, si différentes, a engendré ce même rapport au corps, cette horrible besoin de perfection? Ces désordres mentaux, qui nous font nous voir affreuses, d’où viennent-ils? Suis-je inconsciemment entrain de les reproduire chez mes filles? Angoisse…
Une amie m’a décomplexée un jour en quelques secondes: « certaines femmes pèsent un jour 180 kilos, et quand elles arrivent à ton poids après des mois ou des années d’effort, elles se sentent BELLES » wais, dingue… des femmes vivent dans mon corps et se trouvent belle? Intéressant comme concept.
J’ai compris beaucoup de choses sur moi-même depuis que j’ai des filles. Deux filles. Totalement différentes. Et en particulier, dans leur approche avec la nourriture. La première, toujours affamée, très gourmande, même à la naissance, elle buvait systématiquement plus que de raison, pour régurgiter ensuite le trop plein. Elle hurlait sa faim souvent. Ce besoin n’était jamais mitigé, toujours volume au max. Aujourd’hui à 6 ans, on lui met 10 gâteaux devant elle, elle va les engloutir, et en réclamer deux de plus, et me demander ce qu’on mange au diner, inquiète. Ma seconde, sur 10 gâteaux, elle en mangera deux, croquera dans le troisième, avant de le reposer et d’aller faire autre chose. Bilan: 15 mois d’écart, une fait 17 kilos, l’autre 27… J’ai compris grâce à ma deuxième fille que les réactions de ma première face à la nourriture n’étaient pas des réactions normales. Je ne pouvais m’en rendre compte avant puisque ce que vivait ma grande n’était autre que ma propre expérience.
Mon ainée est mon « clone de bouffe »! Mais? Mais? Dans la mesure où j’ai fait tout mon possible pour ne rien reproduire des erreurs qu’auraient pu faire mes parents… Dans la mesure où j’ai consciemment, sciemment, élevé mes deux enfants de la même façon… Mais? Serait-il possible que ce désordre soit autre que psychologique?
Et si? Et si c’était… génétique?
Soulagement: Et si ce n’était pas ma faute? Ce n’est pas ma faute? Le corps que j’habite est celui que m’a légué la nature, pas celui que j’ai monstrueusement créé?
Libération!
A ce jour, j’ai entamé une psychothérapie. J’ai ouvert la porte du cabinet pour une toute autre raison. Mais fort est de constater que si je veux un jour être bien -heureuse!- dans quelque domaine que ce soit, j’ai une montagne à gravir: m’accepter. Accepter ce corps que j’habite. Plus que cela, apprendre à l’aimer! Moi qui ait passé ma vie à me faire une opinion de moi-même en la cherchant dans le regard des autres, aujourd’hui, je dois me voir avec mes yeux, et m’approprier ce que je suis.
Je n’y suis pas encore. Je grimpe le sentier tout doucement. J’ai appris à ne plus dire « la chose monstrueuse » en parlant de mon corps. J’ai appris à ne plus insulter intérieurement les « grosses », les encourageant à cacher leur gras sous de larges vêtements (comme ceux que m’offraient ma mère?) J’ai appris que même les maigres avaient du ventre. J’ai appris qu’en fait, il est anormal de ne pas avoir de ventre.
Et un tilt: ma mère n’avait réellement pas de ventre. Non, pas un trou béant à cet emplacement, mais un ventre creux, jamais proéminent… Ah! Découverte! C’est donc après cela que je cours depuis des années? Mais quelle absurdité!
J’ai appris à toucher ce ventre. Non non, pas en étalant rapidement du gel douche, par obligation d’hygiène, en le frolant à peine, cerveau en mode déconnecté, pour vite le rincer ensuite, ce ventre, et l’oublier jusqu’à la prochaine douche.
Non, le toucher. Poser mes mains dessus. Ressentir. Palper. Pincer. Caresser.
Je réprime le dégout. Je réprime la honte. C’est à moi. Je n’ai pas honte d’avoir 5 doigts à chaque main, je ne devrais pas avoir honte d’avoir un ventre… Compliqué.
Demain je l’accepterai. Peut-être. Surement. J’espère. Je n’ai pas d’autre choix. Je veux être heureuse et épanouie, et mon ventre est ma montagne à gravir pour y arriver. J’y arriverai. Ensuite on passera aux bras, aux cuisses, au double menton. Mais ce sera plus facile. Et ensuite j’irai mieux.
Je sais aussi pourquoi je l’ai tant fait grossir, ce ventre. Ce ventre vide. Vide d’un 3e enfant que je désire tant. Moi qui suis tellement épanouie enceinte. Moi dont la faim insatiable et permanente disparait enceinte. Ne lisez pas ici que je désire un enfant pour les 9 mois de plénitude qui m’attendent. Ce n’est pas ce que j’ai dit. Mes deux merveilles sont la plus grande réussite de ma vie. Mon cœur brule du désir de voir grandir et d’accompagner un jour un 3e merveilleux petit être conçu dans mes entrailles.
Mais enceinte, c’est le seul moment de ma vie ou j’ai une relation saine avec la bouffe. Pas d’envies de sucré ou de salé. Pas de frustration devant un plat de légume. Parfois même, je m’arrête de manger avant d’avoir fini mon assiette. Relisez bien la dernière phrase: oui c’est dingue: je n’ai PLUS faim! Enceinte seulement. Et quelques jours après l’accouchement, je pèse moins qu’avant la conception. Mes démons me rattrapent bien vite ensuite. Mais encore une preuve, si il en faut, que mes « désordres » ne sont pas uniquement psychologiques. Quand la physiologie de mon corps est différente, ma relation avec la bouffe change. En mode « normal » j’ai faim. Tout le temps. Et j’ai peur d’avoir faim. Et je mange pour ne pas avoir faim…
Peut-être bien que je n’y peux rien.
Je ne suis pas coupable!
Et merde, j’y vivais plutôt bien dans ce corps, avant que tu le détestes, maman.
Mes cheveux
Du cheveu je ne sais rien.
Du cheveu, comme du corps, que pouvais-je savoir ?
Grandie au coeur d’un gynécée disparu
Élevée sans harem farfelu
Sans voir d’autres sexes velus, touffus, nus,
Sans évoquer le corps de l’autre, homme ou femme
De la sensualité, rien.
Cheveux longs au primaire
Cheveux courts au collège
De mon malaise prise au piège
Cheveux au carré pour le lycée, souples, bouclés, soignés
Raccourcis à l’université
Pour tenter de nouveau de m’échapper
Jamais apprêtée
Encore mal aimée
Aujourd’hui ce court carré je me le suis approprié.
Des cheveux mous, des cheveux doux, des cheveux flous.
Des cheveux fous, partout.
Des cheveux raides, des cheveux longs, des cheveux blonds.
Des cheveux courts, des cheveux lourds, des cheveux gourds.
Des cheveux roux, des cheveux enflammés, des cheveux qui brillent, mordorés.
Des cheveux longs, courts, mi-longs, au carré.
Des cheveux blonds, des cheveux châtain, des cheveux auburn, des cheveux vénitien. Qui est vénitienne ?
Sur mon cheveu, sur sa couleur, il y a des belles paroles des coiffeurs : ils ont une belle masse, ils ont une souplesse, ils bouclent et cela « anime mon visage », « oh, j’aime beaucoup votre couleur de cheveux, avez-vous déjà fait une coloration ? ». Ils sont rares, chocolat cendré.
Mais le cheveu pousse sur un crâne, recouvert d’une peau que j’ai longtemps, longtemps, détesté. Parce qu’elle était couverte d’une pilosité jugée inappropriée pour mon sexe, parce qu’elle est souvent très pâle ou trop réactive. Parce qu’elle me ressemble et que je ne sais pas encore tout à fait bien m’accepter. Longtemps je ne pouvais aller chez le coiffeur parce que j’étais concentrée jusqu’à la nausée sur la phrase qui me tuerait encore un peu plus « Vous avez des pellicules, ouh là là il faut faire quelque chose ». Du plus loin que je puisse me souvenir, une coiffeuse m’a demandé si je m’étais battue avec ma soeur car j’avais des croûtes sur le haut du crâne. Aujourd’hui s’il m’arrive d’avoir cette petite croûte sur le sommet de ma tête, je n’ai aucune certitude quant à leur origine, en revanche leur naissance ne doit rien à personne de précis. Elles sont générées par ma très grande faculté à focaliser sur des points qui me deviennent gênants et trouvent pour se manifester la voie cutanée.
Que peut-on savoir de soi si on ne s’est jamais battu ? Je ne veux pas mourir sans cicatrice.
On me le demande presque toujours, quand on voit ma cuisse ou mes bras, avec ces lacérations épaisses, ces cicatrices protubérantes d’un rose qui tend à s’estomper avec le temps, qui devient blanc, mais qui ne disparaîtra jamais totalement.
« Mais qu’est-ce que c’est ? Comment tu t’es fait ça ? Ce sont tes chats ? »
Mes chats. J’en ai beaucoup, c’est vrai. Mais non, ce ne sont pas mes chats.
On me le demande presque toujours, quand on voit mon mollet, avec sa fleur étrange qui se déroule sur ma peau, comme une tentacule végétale dérangeante.
« Mais qu’est-ce que c’est ? Un tatouage ? Oh ? Tu as un motif au henné sur la jambe ? »
Non. Ce n’est pas de l’encre, ce n’est pas de la teinture. C’est du sang. Cette vie, que je me suis si longtemps acharnée à détester et à vouloir extirper de moi. J’ai coupé, gratté, blessé, fait saigner.
Alors, on dit que ce n’est pas bien. Qu’il ne faut pas. Je dis « oui »Je dis « je sais ». On me demande si j’ai arrêté, hein ? Et je dis oui, parce que j’ai arrêté.
Jusqu’à la prochaine fois, bien sûr.
On m’a souvent dit d’arrêter. De faire autre chose. De… sortir. Me promener. De jouer d’un instrument. De tenir un journal. De dessiner. De prendre un bain. De faire du sport. De boire un thé.
Après des années et des années de boulimie vomitive et de scarifications, je peux assurer que ça ne sert strictement à rien, de vouloir tromper la douleur, de vouloir fuir la peur, d’essayer de s’avoir soi-même, avec des ruses éculées. Il n’y a somme toute que trois façons de réagir : ne pas lutter et faire la crise, différer puis faire la crise, ou bien s’asseoir et se dire : je vais faire la crise, je suis une merde de toute façon, tout le mal du monde va m’arriver suite à ça, je le mérite, je suis une faible, tout est catastrophique, ma vie est un drame. Attendre que l’angoisse arrive à son paroxysme. Et… ne pas faire la crise, parce que l’angoisse n’a pas de point de non retour, et finit par redescendre d’un coup. Aussi absurde que ça puisse paraître.
Mais je ne suis pas là pour donner des méthodes pour faire face à sa propre malveillance motivée par un désespoir sans fond ; je suis là pour juste faire sortir tout mon ressentiment passé, lié à ce que j’ai vécu. Face aux autres. Et face à moi.
Ma mère, qui me voyant les bras lacérés n’a rien fait. Rien. Rien. Rien. Maman, pourquoi est-ce que tu n’as rien fait ? Pourquoi tu n’as pas essayé de comprendre ? Pourquoi ne m’as-tu pas envoyé voir « quelqu’un » ? Pourquoi est-ce que tu ne m’as pas obligée, ne serait-ce qu’un peu, à parler ? Pourquoi ne t’es-tu pas comportée avec moi comme on se comporte avec un enfant qui souffre ?
Mon père, qui me voyant les bras lacérés n’a rien fait. Mais laisse tomber papa, je n’attends de toute façon rien de toi, toi qui voulais seulement des enfants « grands » (adultes) parce que c’est plus « intéressant ».
Les autres. Les autres mômes à l’école. Ne le portais-je pas suffisamment sur moi, mon mal être ? Tout ce noir, tous ces bijoux agressifs, tout ce gras accumulé au fil des années, toutes ces cicatrices ? J’affichais ma souffrance, de la façon la plus provocante, la plus violente et agressive. Ça a fini par marcher, dans le sens où plus personne ne m’a attaquée. Mais personne ne m’a écoutée, non plus.
Les autres. Mes dites amies. Pourquoi aucune n’a essayé de comprendre ou de m’aider ? Pour me juger, oui. Juger, c’est plus facile. Surtout quand on n’a que quinze ans.
Et moi. Surtout, surtout moi. Pourquoi me suis-je maltraitée ainsi ? Je n’ai rien fait qui pouvait mériter le fait de me haïr autant. Pourquoi n’ai-je pas été assez forte pour tenir, envers et contre tous ? Pourquoi, alors que ça aurait dû être les autres qui auraient dû saigner, pourquoi, pourquoi est-ce moi qui me suis faite souffrir ? Pourquoi ai-je entraîné, ne serait-ce qu’un peu, les autres dans ma souffrance malsaine ?
Et pourquoi ça ? Pourquoi comme ça ?
Parce que le sang qui coule est si libérateur. C’est tout le sale, tout le cri, tout le noir, tout le péché qu’on évacue. Le contraire du blanc de la vie, ce n’est pas le noir, c’est le rouge de la mort.
Parce que la souffrance morale, si étouffante, devient physique. D’immatérielle et tueuse, elle devient comme accessible, gérable. Il suffit d’arrêter de jouer avec la lame, avec les ciseaux, avec le scalpel. Et la souffrance psychique, elle, a disparu pendant un moment.
Parce qu’on estime intolérable que tant de douleur psychique n’aie pas, au moins un peu, une manifestation physique. On estime ça contre-nature. Contre logique. Ce n’est pas admissible. Ce sang rouge et rouillé, c’est le hurlement ruisselant qu’on n’arrive pas à pousser. Il jaillit, coule, salit, fait mal, mal comme des cordes vocales souffriraient d’un cri vibrant de haine et de désespoir.
Parce que si même votre mère vous rejette quand elle va mal, c’est que vous ne méritez pas grand chose de plus.
Parce que si on a pu vous prendre, à plusieurs, comme un jouet sexuel sans âme, alors que vous n’étiez même pas encore adulte, vous ne pourrez jamais vous blesser plus qu’ils ne l’ont fait.
Parce que c’est tout ce qu’on mérite.
Parce que quand on est cassée à ce point, il n’y a plus que ça qui nous rappelle la vie. Il n’y a plus que ça qui semble remettre, un court instant, les choses en place. Le sang, c’est la vie. Tant qu’il y a du sang, il y a de la vie. Et tant qu’il y a de la vie… il y a de l’espoir. Non ?
Parce qu’après, on a une bonne raison. De pleurer.
Parce qu’après, on a une bonne raison. De se soigner, de désinfecter la plaie, de se faire un pansement. On ne peut pas mettre de compresse sur la souffrance mentale, mais sur ces plaies saignantes et suintantes, on peut. On se bichonne un peu, enfin. On accompagne la cicatrisation. On prend soin de soi – on s’y autorise, une courte période. On ne peut rien faire contre les démons qui bouffent notre cerveau, mais contre une série de balafres, on a des armes : de l’hexomédine, des compresses et du sparadrap. De la douceur, enfin, et de la patience. De l’intérêt et de la compassion pour une chair qui souffre.
Parce qu’un court moment, on a le contrôle.
Parce qu’un court moment, on sait que la mort et la vie ne tiennent qu’à nous.
Parce que le lendemain, la douleur reste. Et on sait qu’on n’est pas si faible. Qu’on est un combattant, qu’on est une warrior. On se bat, contre soi, ouais, mais on se bat. Et le matin, dans le froid pinçant, quand on marche en serrant un peu les dents pour aller prendre le bus, les cuisses ou les bras qui tirent douloureusement, on se dit, « je suis vivante. Fuck. Et tout ça, c’est pas si grave ». Envers et contre les autres et soi-même, on est vivant.
Putain, vous me faites rire avec votre thé. Du thé. Mais oui. Bon sang mais c’est bien sûr. Plutôt Lipton ou Earl grey au fait ? C’est quoi pour vous, la panacée des suppliciées, des lésées, des violées ? C’est ça ? Du thé ?
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Le temps a passé – ou presque.
Ma fleur est la dernière en date – le deuil de ma dernière peur de l’abandon. Et mon esprit, exercé, s’est envolé. Je ne me saigne plus, je ne me remplis plus de nourriture pour ensuite me vider violemment. Je pense bienveillance, et pour moi, et pour les autres.
Le corps médical ne dit généralement rien. Pas quand les chéloïdes semblent avoir quelques mois, quelques années. Il n’y a rien à dire. Je ne sais pas ce qu’ils pensent. Moi, à leur place, j’aurais pitié. Mais d’expérience, ce n’est pas la pitié qui étouffe les gens : c’est l’incompréhension, qui elle, étouffe tout dialogue. Alors je reste là, debout, désabusée, avec mes cuisses lacérées, que je n’essaie même plus de cacher. Pourquoi les cacherais-je, puisqu’au fond, je pense que le corps médical s’en fout ? Y compris moi, à ce jour. Aussi, il n’y a bien que le recul, en toute chose. Je dis juste un rapide « c’est rien » quand un médecin ne comprend pas assez vite de quoi il s’agit et qu’il me le demande. Tout de suite, il laisse tomber – béni soit-il.
La plupart des autres personnes, lorsqu’elle voit mes marques, continue à me questionner, pour conclure par un : « il ne faut pas ».
Certes. Cependant, quand vous aurez marché autant que moi dans mes new rocks et que vous serez arrivés à mon niveau de sagesse sur la question, vous en arriverez à la même conclusion, mais avec beaucoup moins de hauteur et d’a priori.
Il reste une partie des gens qui ne dit rien. Qui fait comme si elle n’avait pas vu. Vous avez raison – ce n’est plus maintenant qu’il faut relever. Je souris avec indulgence quand on me dit, avec un air catastrophé – surtout pour ma fleur, véritable manifestation de body art, que j’ai dû avoir mal. Cette douleur n’est pas la vraie douleur, croyez m’en. Si je me suis résolue à cet ersatz de douleur physique pour surmonter ma douleur – ma perte – morale, soyez sûrs que ce n’est pas la souffrance de la cicatrice que vous devriez déplorer. Mais mes réels affres ont toujours été secrets.
Aujourd’hui, j’ai toutes mes réponses, à tous mes pourquoi. J’ai compris, et j’ai pardonné, à tous, aveuglement et cruauté. Y compris à moi.
Tout est interdépendance. Il n’y a pas de réel fautif. Des gens perdus, dans un monde qui s’effondre. Je ne suis qu’un symptôme parmi des milliards, dans une société percluse de maux.
Et aujourd’hui, j’ai travaillé à remettre chaque chose à sa place. Aujourd’hui, je n’en veux plus à personne. Et certainement plus à moi.
Maintenant, je bois du thé. Allez-y, marrez-vous – c’est vrai que c’est drôle.
Mais c’est seulement parce que j’ai appris à affronter et à dépasser. Le luxe du thé pour être serein, ça n’est que lorsqu’on a compris. Et pour comprendre, il n’y a que l’expérience des choses – le sang, et les larmes. Il m’a fallu arriver à l’âge vénérable de vingt six ans pour le comprendre.
Mes cicatrices, toutes, y compris piercings et tatouages qui s’inscrivent également dans cette histoire de Peau, je les aime. Je pourrais écrire des pages sur leur sens, leur signification, leur rôle, leur raison d’être, leur syombolique, leur inscription sociologique, même. Elles sont la manifestation physique de mon parcours émotionnel – elles racontent, bien mieux que je ne pourrais le faire. Elles sont une partie de moi. Elles écrivent mon histoire.
«Que peut-on savoir de soi si on ne s’est jamais battu ? Je ne veux pas mourir sans cicatrice. »
Tyler Durden, Fight club.
La chute
Cette chute de reins, la mienne. Le titre de mon post, « la chute », c’est le titre d’un message qu’un homme m’a envoyé une fois, ma chute de reins le rendait fou.
J’ai gagné beaucoup d’argent avec ce corps que je trouve tellement beau. Pourtant il est loin d’être parfait, j’oscille entre le 38 et le 40, j’ai de la cellulite, du ventre, et des cuisses trop grosses qui font que je ne trouve jamais de pantalon confortable.
Et pourtant j’ai réussi à me faire enrôler dans une agence d’escort-girls. Les autres filles étaient d’une beauté hallucinante. C’est terrible à dire, mais je ne retiens que le positif de cette expérience. Terrible, parce-que du négatif il y en a eu (et du genre négatif destructeur et tout et tout), et parce-que le positif est tellement futile. Vivre dans un monde de beauté…… prendre soin de son corps en permanence (lorsqu’il devient outil de travail c’est plus évident)…….. recevoir le coup de fil de la patronne……. vite rentrer chez soi, douche, shampoing, rasoir (ben oui, en dehors des rdv d’escort je n’ai rien d’une coquette), crème hydratante parfumée, maquillage, robe, chaussures à talons, taxi………. arriver dans un hôtel magnifique, se diriger d’un air sur de soi vers l’ascenseur…….. je m’admirais en permanence dans les miroirs. Les hôtels étaient beaux. Tout était beau.
J’étais une étudiante simple à la beauté banale. Sauf que de temps en temps je me faisais surprendre en robe-talons…. « ouah t’es super belle, t’as un rencard ou quoi ?? ». Un tiroir de ma chambre d’étudiante rempli de billets. Billets qui m’ont servi à payer mes études, mais ce n’était pas le but de ma démarche. Les vraies raisons je les ai cernées maintenant, j’ai mis du temps, cette plongée en enfer a été une étape de la prise de conscience.
Oui, je parle de plongée en enfer, je m’en souviens bien qu’il y avait des moments horribles. Mais…. ils se sont amoindris. Ils ont moins d’importance que les autres. C’est terrible la mémoire sélective.
Maintenant j’ai 30 ans, un bébé qui va avoir un an et ne fait pas ses nuits, une cicatrice de césarienne, des marques de fatigue sur le visage. Je change. J’aime le fait d’avoir grandi, je suis une femme, j’ai 30 ans, un enfant, des rides, un métier respecté, j’ai passé un cap. Mais j’ai aussi un conjoint avec qui je ne fais pas l’amour. Qui me voit en pyjama, pas épilée, qui sait que je ne suis pas une princesse. Qui ne se doute pas que j’en ai été une, une princesse belle, brillante, riche, convoitée, qui a fait partie d’un monde de paillettes. C’est dur de ne pas pouvoir en parler, de tenir sa langue en permanence. Ca serait peut-être plus facile de tirer un trait sur cette période si je pouvais en parler. Il se pourrait bien que cet article soit le premier d’un journal intime. Ca fait du bien de parler. C’est lourd un secret.
Selon lui, j’étais pleine de vices
Il y a mes yeux, en amande, d’une couleur ni grise, ni bleue ni verte, un mélange un peu des trois, et variant selon la luminosité mais aussi selon mon humeur. Couleur de la mer quand il fait mauvais, que le ciel est noir et qu’elle semble vouloir se déchainer, se démonter et tout avaler. Ce sont les yeux de ma grand-mère paternelle (que je n’ai que très peu connue) et la yeux de ma « tante » (la soeur de mon père, la fille de ma grand-mère donc, que je n’ai qu’à peine plus connue)
Mais pour mon père, jai les yeux « couleur huitre » ce qui est vachement valorisant quand on y pense.
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Il y a mon prénom…. Syb’ ille… qui rime au collège avec débile….
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Je ne sais plus quand ils ont commencé à faire leur apparition, trop tôt ça c’est sûr, mais j’avais parfois ce que ma mère qualifiait de « tête d’épingle » qu’elle s’évertuait à percer pour les faire « disparaître » mais on sait bien que ce n’est surtout pas ce qu’il faut faire… avec un « C’est rien, ça va passer avec l’âge ». Plus tard, je répétais les mêmes « charcutages » avant de découvrir 30 ans plus tard l’art du camouflage avec du fond de teint. Oui car aujourd’hui j’ai 42 ans (tic-tac, tic-tac), bientôt 43 ans (tic-tac, tic-tac), et non, eh non, ce n’est TOUJOURS pas passé, tu n’es plus là pour que je te le dise en face, mais non, ce n’est pas passé. Alors quoi, il faut attendre que je grandisse encore jusque combien pour que ça passe ? Une dermato m’a gentiment dit que j’avais de la chance, lorsqu’elles seront toutes ridées et toutes desséchées, moi j’aurai une jolie peau. Quelle chance ! Alors je jubile (Syb’ ille jubile) quand je vois une collègue qui d’habitude, en 6 ans que je la côtoie et qu’elle affiche sa peau irréprochable, arbore ce matin un affreux disgrâcieux sur la joue, qui une semaine plus tard est toujours là (gnark-gnark-gnark). Je ne m’appitoie pas sur un jeune dont le visage est ravagé par le travail sourd et muet des hormones… mais je me dis que finalement, ça aurait pu être aussi ça.
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Il y a mon corps, longiligne, sans forme, plat comme une punaise (ça aussi, qu’est-ce que j’ai pu l’entendre ! C’est si mignon une punaise……) tellement plat et longiligne que avec une coupe garçon et les vêtements (recyclage oblige) de mon parrain sur le dos, je me fais traiter de PD … À 10 ans, je ne savais pas ce que cela signifiait, mais je le ressentais comme une véritable insulte, une image vulgaire et sale… qui marque.
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Je me savais aimée, je ne pouvais pas me plaindre, lavée nourrie blanchie comme on dit, éduquée (il fallait filer droit), soignée lunettue et orthodontue, j’avais le sourire d’acier. Rajoutez que j’étais bonne élève et discrète, sans vague, tellement discrète si j’avais pu m’évaporer je l’aurais fait. Alors j’étais la chouchou des profs. Ben oui, des comme moi, ils n’auraient voulu que ça. Rajoutez à tout cela que j’avais 1 an d’avance, merci papa-merci maman ! Quel cadeau : n’être toujours que la plus jeune de toute la classe, quand il y en a qui se retrouvent avoir plus de 4 ans de plus dans la même classe. Quand on est ado (même pré-ado) ce n’est pas un cadeau. Donc en tout ça, je me savais aimée, car du moins pas maltraitée. Mais je ne me sentais pas aimé. Être embrassée, bisouillée, chérie, cajolée, consolée quand j’en aurais eu besoin…. tu parles……
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Je me rappelle au collège les moqueries des autres filles, les moqueries des garçons, moqueries à propos de mes vêtements, de mes lunettes, de mes attitudes gauches, timides, de fille coincée, pas délurée pour deux sous, loin de tout ça, dans ma bulle… comme venue d’une autre planète. Je me rappelle les chaussettes baissées (pourquoi?!??), la jupe relevée pour voir ma culotte, les coups frappés dans le dos pour vérifier si je porte un soutien-gorge… les simulations (parfois pas!) de crachats dans ma capuche, dans mon sac, dans mon dos, sur ma tête. Je me rappelle toutes les manigances pour me voir nue dans la cabine à la piscine ou voir mes fesses dans les wc. Je me rappelle les garçons qui profitent des files d’attente où tout le monde se presse pour monter au réfectoire, ou pour monter dans le bus : ils frottaient leur sexe à moi dans mon dos en simulant des jouissances. Je me rappelle les attouchements sur le sexe au détour d’un pilier dans la cour, sur ma poitrine même pas naissante, des mecs qui se branlent en classe et simulent une jouissance à côté de moi, et les moqueries des autres. Je me rappelle ceux qui venaient me demander des nouvelles de ma chatte, ceux qui disaient qu’ils allaient me violer……. J’ai gardé tout ça au fond de moi. Parce que je n’aurais pas su mettre de mots sur ce qui arrivait et ce que je ressentais… de la peur des autres, de la peur de me montrer, d’exister. Du dégoût et de l’incompréhension. Isolement.
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Mon premier petit copain a été une révélation: on m’aimait ! on me bisouillait, on me câlinait, on me bécottait, on me caressait, on me gâtait, on me comblait…
Et puis il y a eu les autres… et l’autre révélation. On me prenait pour mon corps, et on me jetait sitôt servi….
Période de troubles, de vide, d’anéantissement où je cherchais un sens à la vie, un sens à mon existence, un devenir…. J’ai cherché à me perdre, à m’auto détruire… Alcool, drogues, douces puis dures, mutilations … eux, puisque je n’étais rien pour eux, ils ne devaient rien être pour moi. En tout cas, ils allaient payer… au sens vrai. Descente. Regard sale, vide sur moi. La peur m’a fait reprendre pied, chaque fois. J’ai essayé de me perdre différement, tête brûlée sur la route en moto. Peur aussi là… Escalade, alpinisme, canyoning, ice climbing, je veux me dépasser, dépasser mes limites, toujours plus haut, toujours plus fort, toujours plus loin… Et me perdre si cela doit arriver. Puis peur, peur de perdre ma fille d’abord, puis peur de me perdre et ne plus être là pour elle…
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Aujourd’hui.
« Telle que tu es habillée, ils te prennent pour une pute ou une danseuse » (comprendre les danseuses nues des bars à filles, ce qui en somme revient au même).
« Les mecs, quand ils te voient, ils ont juste envie de te mettre un coup de bite. C’est ce que tu génères »
« Mais tu es belle, tu es très belle et tu le sais, ne dis pas que tu ne le sais pas »
« Donc ça doit rôder » « Quand ils te voient, s’ils pouvaient se pencher pour regarder ou renifler ta culotte ils le feraient »
« et pas la peine de faire ta tête de pleureuse, parce que évidemmment c’est encore de ma faute alors que je subis »
« Parce que tu es belle et tu t’habilles de manière très particulière moi ça me plait, mais même en France c’était particulier -en l’occurrence au moment de ses propos : jupe crayon en jean, pull noir, bas noir mat, escarpins vernis noirs, sac à main noir et veste longue en cuir. Où est-ce particulier ? Où est-ce vulgaire? c’est classique d’une femme qui va travailler au bureau et oui, j’aime être féminine- « Il y en a beaucoup qui sont habillées comme toi ? » Beaucoup non, mais il y en a puisque je suis dans un milieu de bureau Bref à ce stade de la conversation, si j’ouvre la gu… j’ai un comportement de coupable et non d’innocente, ou je cherche à retourner le truc contre lui. Alors je ne dis rien mais ma tête en dit long sur ce que je ressens mais c’est moi la coupable. J’en suis à un stade où j’ai juste envie de pleurer, j’aurais envie de revenir en arrière, ne jamais l’avoir connu, ne l’avoir jamais suivi ici, que tout s’arrête, qu’il me quitte. Souffrir un bon coup de son absence . Alors je pourrai remettre mes robes, sortir en ville avec ma fille faire les magasins comme on en a envie, visiter et prendre en photo tout ce qui nous plait, aller aux activités qui nous plait, je voudrais pouvoir emmener ma fille à ses cours d’équitation et moi pouvoir suivre des cours de création de vitraux, chausser mes baskets et aller courir. Au lieu de ça, je l’aime, je ne veux pas qu’il nous quitte, je veux une vie commune avec lui dans une maison avec jardin sur l’Ile d’Orléans, je veux avoir un bébé avec lui, il veut un bébé avec moi, nous voulons nous marier. Je regrette seulement qu’il n’assume pas comme je suis et qu’il ne voit le mal (et les mâles !) partout. Alors j’ai peur, faut-il vraiment que nous ayons un enfant ensemble, faut-il vraiment que l’on se marie ? J’ai, je crois la réponse. Il faut vivre les choses, dans tous les cas, pour se dire qu’on l’a fait et ne rien regretter.
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Alors j’ai le coeur serré, je ne sais plus comment il faudrait faire. Je vais en jean au travail, je rase les murs, je regarde mes pieds. Et je voudrais qu’il arrête de dire que je regarde les hommes et que j’aime qu’ils me regardent parce que ce n’est pas vrai. S’il m’arrive de regarder c’est pour me dire que les mecs ici sont gros et qu’ils ne ressemblent à rien. Je rase les murs, je voudrais passer inaperçue. Et si je m’habille en jupe ou en robe avec des escarpins (qu’il nomme talons aiguilles, alors qu’il font 5 cm de haut et pas du tout aiguille) si je me maquille (entendre crayon noir et mascara sur les cils, c’est tout) c’est pour être belle pour moi, avant tout pour moi, parce que déjà que la vie est métro-boulot-dodo-et-ça-recommence si je ne fais pas un effort pour me sentir belle…
Chez moi, manger et me sentir belle est juste une question de me sentir bien dans ma tête.
Et puis si tu savais mon Amour comme j’ai souffert gamine d’être différente des autres, si tu savais comme on m’a craché dessus… Aujourd’hui j’ai juste envie de faire un pied de nez à tous et leur dire que moi je suis fière de mon physique plutôt agréable pour une fille de 40 ans, et j’ai juste envie de m’habiller en femme pour me plaire à moi-même.
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Il ne veut pas que j’aille courir. Car courir, pour lui c’est courir, c’est me montrer, m’exposer, courir après les beaux mâles et pour que les beaux mâles me courent après. (Entre nous les beaux mâles ici au Québec…. ça ne court pas les rues, sans humour !) Courir c’est ouvrir la porte à tous les droits. Impensable. Impossible. Alors que pour moi courir, c’est me lâcher, me défouler, sentir les muscles travailler, me sentir à bout de souffle, tout en écoutant les Black Eyed peas ou Eminem ou les Rage, c’est mon moment de vide et de méditation dans lequel il ne faut surtout pas venir interférer. Courir….. J’en rêve. Rêve simple, non?
Alors comme je ne peux pas courir, alors je descends un arrêt plus tôt du bus, ou je monte un arrêt plus loin pour avoir à marcher un peu, un peu chaque jour, et entre 2 bus, je chausse mes kickers à la place des escarpins pour arpenter les rues entre 2 arrêts de bus. En même temps je traverse Québec du Grand Théâtre au Charest et je prends l’air, je hume la ville, je dis bonjour à un écureuil, je photographie de mes yeux les traces d’un chat, la façade d’une maison, une belle voiture américaine, les façades colorées, le ciel et les nuages qui calvalcadent et caracolent. Et à mon tour je cavalcade et je caracole d’un arrêt à l’autre, ma courte escapade, ma bouffée d’air frais… et je complète en pratiquant aussi souvent que je peux les escaliers de la RAMQ, 5 étages à pied à chaque fois. Et ma fille je ne peux pas l’emmener aux chevaux, alors je suis là pour ses devoirs, et je vais lui apprendre à coudre et à cuisiner. Et à aimer. Et à s’aimer elle.
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Aujourd’hui on est vendredi, casual day, je porte un pantalon trellis couleur vert militaire et un pull noir. « Tu as mis ton pantalon sexy aujourd’hui?… » bis repetita, des fois que je n’aurai pas entendu. Ce n’est pas que je n’ai pas entendu, mais je ne veux pas relever. Ne rien dire, surtout pas de vague, je n’ai pas envie de gâcher ce moment entre nous. On en est qu’au petit dej. Ne pas laisser s’envenimer la situation. Une 3ème fois encore « tu es très sexy avec ce pantalon » puis sur le départ au boulot, lors du baiser pour la journée « et ne te fais pas trop toucher les fesses » comme si c’était dans mes habitudes de me laisser peloter !!!!! Comme si je laisserais quiconque me toucher! encore plus les fesses ! Comme si j’allais au travail pour ça!!! Autant me traiter tout de suite de p… . Merci mon amour, je t’aime. Comme par hasard ce matin tu as oublié ton portable… Hasard qui n’existe pas.
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« Tu te fais draguer! Ne dis pas que tu ne te fais pas draguer! Tu te fais draguer je le sais »… Dire non, c’est faux, c’est avoir une attitude de coupable. Ne rien dire quand ce qu’il affirme et me gueule dessus est faux… pffff. J’ai l’impression d’un cauchemar quand ça commence comme ça, et ça me fait une boule au ventre…
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Comme toutes les femmes j’ai tous les vices. Et je lui sers tous mes vices. Parce que je ne pense qu’à ma trogne et qu’à lui servir mes vices. Vices qui sont gros comme des maisons. Et ma fille (onze ans!) aussi est pleine de vices. Puisque c’est une femme. Pire, parce qu’elle est ma fille. Et que je suis pleine de vices. Lui est sans vice, cela va de soit. Avec le recul, oui prenons du recul, pour quelqu’un qui est dans la construction, lui qui est sans vices (=sans vis) c’est plutôt couillon, non ? bon sauf que lorsqu’il en est à faire le constat que je ne suis qu’une femme pleine de vices, le ton n’est évidemmment pas à la plaisanterie. Il faut savoir une chose, c’est que son ex et l’ex encore avant étaient toutes 2 pleines de vices. Décidément, c’est pas de bol de tomber que sur des greluches pleines de vices…
Mais je l’aime.
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Il y a les Germaines. Elles gèrent et elles mènent. Ce sont les germaines. Il ne les aime pas.
Ma chef s’en va. Ma chef c’est une germaine. On m’a proposé de prendre son poste. « ah ben tu vas en voir des gars! et les déjeuners, et les dîners, et »…. je n’écoute plus. Certes il y aura des réunions en plus. Mais je connais les limites entre le travail et la vie privée, et j’ai une vie de famille.
Je deviens une germaine.
Il me dit qu’il en a marre de supporter tout ça, qu’il ne peut plus supporter, qu’il ne supporte plus, qu’il ne veut plus supporter. Et moi je découvre avec effarement que vivre, aller travailler, c’est insupportable pour lui…. Il m’aime, je l’aime, on s’aime, mais… où est l’erreur?
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J’enrage !!! Avoir tout quitté en France, mon pays, ma famille, mes amis, ma maison, mon piano, ma 207, mon job, mes montagnes, mon petit marché du samedi matin, les croissants tout frais de la boulangerie, …. tout vendu, tout vidé, avoir imposé cette déchirure et cette nouvelle vie à ma fille (et à mon chat) pour en arriver là ?!!!!!??
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Prison dorée qu’est l’amour…
Mes parents m’aimaient à leur façon et me voulaient près d’eux.
Je ne me sentais pas aimée de mes parents alors je suis partie, partie loin, dès que j’ai pu, toujours plus loin. Jusqu’à tout quitter pour le rejoindre,, LUI, lui qui m’aime, qui nous aime. Pour me rendre compte que ceux que j’ai quitté m’aiment mais voilà j’ai tout fait pour vivre avec lui, LUI, et offrir à ma fille une vie de famille.
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J’ai souvent eu l’impression d’un grand VIDE, d’un Grand INUTILE, d’un grand À Quoi Bon. À quoi bon continuer, se nourrir, travailler, se lever … pour quoi pour qui…. Aujourd’hui je sais, j’ai la réponse : pour ma fille. Pour elle, la plus belle, ma chair, ma vie. Pour être là pour elle quand elle en a besoin, dès qu’elle en a besoin. Pour la regarder vivre et la regarder grandir. Pour l’aimer. Pour l’aimer comme moi on ne m’a pas aimé. Pour mon chat aussi, parce que lui m’aime et me poupougne sans condition.
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Il parait que quand on meurt, on n’est plus qu’une âme, une âme errante…. alors je serai libérée de mon corps
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Epilogue : à l’heure de l’envoi de mon mail, IL EST PARTI !!!! J’en suis encore essoufflée, avec mal au dos, tellement de tension et tellement de stress jusqu’à son départ définitif, tellement d’insultes entendues et de crasses subies !…. Mais même pas mal et tellement de soulagement, un gros poids en moins. Les serrures sont changées, et je réaménage notre appart, pour l’effacer à jamais de notre vie, pour en faire un petit nid d’amour pour nous 3, vous l’aurez compris, ma fille, mon chat et moi. UNE NOUVELLE VIE COMMENCE
Gros becs du Québec !
Syb’ ille alias Germaine
La femme que je suis.
Bonjour a toutes et tous,
Je parcours ce blog de nombreuses fois, j’ai hésité plusieurs fois avant d’écrire… Écrire quoi ? Ma vie banale, je pense. Une vie normale, je crois. Des complexes, une mère trop mère-poule, un père présent mais trop absent, ce qui fait maintenant que je suis un peu parano…
Je ne parlerais pas de mes années collège trop de souffrances, d’attouchements dans des coins sombres, au milieu de la cour… Privation de sorties parce que ma mère ne voulait pas que je traîne les rues, même dormir chez une amie cela m’était interdit… Deux frères derrière moi qui eux ont plus de droits mais bon ce sont des garçons…
15 ans : Le lycée synonyme de liberté, je sèche les cours, je me fait des amis plus vieux qui touchent a l’alcool, aux drogues, un peu de tout… Je découvre le cannabis, j’adore, il ne me quittera plus jusqu’au 23 juillet 2014. L’héroïne que j’adore aussi, la cocaïne, le speed, les ecstas. Je suis avec un mec, le premier, il fait tout découvrir, le sexe, la violence, les insultes, mais ce n’est pas de sa faute il est schizophrène et puis je l’ai forcement cherché…
17 ans : Mon père se pend. Pourquoi ? Une question sans réponse. Je quitte mon copain. Je batifole un peu mais pas vraiment, je suis meurtrie de l’intérieur… Chaque journée est un supplice… Il avait beau ne pas s’occuper de nous, il me manque…
18 ans : Meetic, une rencontre, un amoureux qui me fait oublier un peu ce passé houleux, il a 26 ans. Je vois en lui l’homme de ma vie. Des projets :
mariage, bébés… Une idylle de deux ans… Il rompt sans explications, 9 mois de déprime… Ou je ne suis plus rien.
21 ans : Un autre homme, je crois etre amoureuse, je tombe enceinte, je n’en veux pas mais je le garde pour cet homme qui est si heureux. Une petite fille entre dans ma vie. Je l’aime malgré mon non-desir !
23 ans : Un mariage non réfléchi, a la va vite, et arrive la prostitution dans les bars en Belgique… Mauvaise expérience, heureusement mon ami le cannabis est la et me soutient !
24 ans : Séparation houleuse avec le papa de ma fille, mon mari. De nouveaux amis qui se droguent, LSD, MDMA, speed, ecstas, coke, héro… Je prends tout ce qui passe pour oublier que je suis une mauvaise mère, une mauvaise épouse, je continue la prostitution, pour me droguer, payer mon loyer, ma nourriture. Je vois ma fille une fois par semaine. Pas suffisant a mon goût mais je n’y peux pas grand chose décision de justice, son père a la garde exclusive !
Dans ces nouveaux amis, il y a Lui, l’homme, mon homme qui me redonne goût a la vie, a l’Amour, qui me fait rêver. On est ensemble, on se drogue ensemble mais on perd petit a petit nos amis… On plonge dans la came un temps, on arrête a deux. Mais mon ami canna est toujours la.
25 ans : Je prends une décision qui va changer ma vie, je me range des drogues, l’arrêt du cannabis me fait tomber en dépression, maison de repos, mais Il est toujours la, présent, aimant. Mais lui aussi a des problèmes, une schizophrénie a 22 ans, Il a un traitement a vie. Maison de repos pour lui aussi. On est loin l’un de l’autre. Première séparation on se voit peu mais Il est la, Il m’aime. Je le sais. Mon divorce est prononcé. Je suis enfin tout a Lui.
Ma fille est toujours présente dans ma vie, une fois par semaine et deux fois par semaine en semaine paire. La moitié des vacances scolaires.
A eux deux, Ils sont ce que je suis ! Nous construisons notre vie a deux, a trois… Maintenant il faut un logement, un travail et je pourrais voir ma fille une semaine sur deux.
Pour le moment je me soigne encore psychologiquement et addictologiquement.
Un long chemin. Mais je crois en cette vie meilleure avec Elle et Lui.
Le vide en moi
Le passé, ce passé me hante chaque jour un peu plus…
Jeune femme, souriante, mince, ordinaire, aujourd’hui orpheline abandonnée lâchement !
Par où commencer, il y a tellement de choses à dire, de choses à expliquer pour comprendre mon mal-être…
Je suis née fin avril en 1994, un beau bébé un peu joufflu, une petite fille qui avait toute la vie devant elle, et on dit que la vie est belle !
J’ai oublié un détail, mon père 24 ans alcooliques, ma mère alcoolique 22 ans, jeune femme battue et violenté régulièrement. Ceux-ci avaient des contacts avec à famille de mon père mais aucuns avec celle de ma mère ( dispute familiale et choix de vie conjugal incompris)
Un accident en novembre 1994, si on peut appeler ça un accident… Mes deux parents alcoolisés se disputent encore une fois, sauf que cette fois-ci mon père avait le fusil de chasse dans les mains ! Celui-ci a tiré en visant la tête de ma mère, son œil gauche atteint transporté d’urgence par hélicoptère, et sombre dans un coma…
Ma grande mère apprend la nouvelle et se précipite à l’hôpital, et celle-ci s’est mise à chercher la petite, qui était chez les grands-parents paternels.
Mon père fut jugé pour tentative de meurtre, et j’ai traîné 10 années dans les tribunaux pour finir par ne plus le voir après choix du juge.
Mon histoire pourrait s’arrêter là, une enfant élever seulement par sa maman sa devient banale…
Seulement ma mère a eu la bonne idée de refaire sa vie avec un homme célibataire sans enfants.
La pire chose qui puisse m’arriver !
Ce monsieur du jour au lendemain a bouleversé mes habitudes avec ma mère, il est venu un weekend et il n’est jamais repartis.
Ma mère semblait heureuse avec elle avait arrêté de boire et avait repris de bon contact avec ma famille.
Seulement il y avait un truc qui clochait entre lui et moi, il n’a jamais vraiment su m’apprécier, et plus les mois passent plus le contact été violent…
Et après 1 an et demi ensemble, l’annonce d’un bébé, ça aussi aurait pu me réjouir mais je devrais à présent partager ma maman !
À la naissance tout a changé, mon beau-père été un bon buveur il prenait apéro tous les soirs, et quelques fois ma mère se laisser tenter aussi.
Je me suis beaucoup investi dans l’éducation de ma petite sœur, changer les couches, jouer avec, faire prendre le bain …
Plus elle grandissait plus on voyait la différence d’affection qui nous était donnée. Mon beau-père tombé dans alcoolisme a entraîné ma mère dedans…
C’est à ce moment-là que ma vie bascule ! je ne me plaignais jamais des coups que mon beau-père me porter, mais ma mère me défendre ce qui crée des disputes entre eux et après mon beau-père revenait pour me punir car c’était à cause de moi s’ils se disputaient sans arrêt.
aucune intimité n’était respectée pourtant je commençais à me former, un jour je ne me suis retrouvé nue devant lui car je me plaignais de maux de ventre et mal aux seins car il poussait, ma mère m’avait poussé à lui montrer alors que je ne voulais pas elle me tenait, et ils se sont mis à me toucher …
Je ne peux pas raconter la suite de cet acte c’est bien trop cruelle et barbare … je me demande encore peut-on faire sa à des enfants et encore plus à ses propres enfants !
J’ai grandi toujours battu et de temps en temps des flashs d’agressions sexuelles me reviens… J’ai éduqué ma petite sœur jusqu’à ses 9 ans ( leçons, repas, bain, courses, la conduire à l’école, et j’en passe ….) j’étais au collège quand j’ai dû commencer à tenir à moi toute seule la maison, ma mère alcoolisée du matin au soir resté allongé a cuvé dans le canapé la journée, et mon beau-père été au boulot, le soir je partais chez mon copain pour éviter de croiser celui-ci.
Ma mère devenait méchante dans ses propos et mon beau-père laissé des marques de plus en plus sur mon corps, un jour il était en colère car ils avaient reçu mon bulletin scolaire, ma mère m’a étranglé contre le mur et lui me donner des coups dans le ventre et me gifler, et j’ai pu entendre toutes les insultes du monde…
cela faisait des années que je ne me nourrissais plus comme il le fallait, je réduisais de plus en plus mon alimentation…
Un soir mon beau-père m’a coincé dans ma chambre s’est mis à me frapper et essayer de me tenir pour faire son affaire, mais cette fois-ci j’ai réussi à m’échapper… je suis parti avec mon scooter sans casque à toute allure chez ma grande mère.
J’arrive en pleure le visage et le corps pleins de traces de coups et déjà quelques bleus apparaissent parmi les autres bleus déjà présents…
J’ai expliqué à ma grande mère comme après chaque « punition » (prendre des coups) mais je ne lui ai jamais parlé d’agression sexuelle et de viol d’ailleurs très peu de personnes le savent.
Je ne voulais plus retourner le bas, mon beau-père m’avait poursuivi jusque chez ma grande mère et s’est précipité pour me récupérer à la barrière. J’étais terrifié je tremblais dans le noir ….
J’avais décidé je ne voulais plus vivre cet enfer nous avons fait les démarches auprès des tribunaux pour que ma grande mère est ma garde jusqu’à ma majorité.
Une fois placé chez elle m’a soigné et fait suivre par un centre psy pour travailler sur mon histoire et oublier ou accepter les faits.
Le centre psy a signalé que j’avais un comportement assez complexe avec mon corps et la nourriture mais rien de grave…
je suis passé de 55 kg quand j’étais encore chez ma mère à 80 kg je comblais le vide par la nourriture.
J’ai réussi à passer de classes en classes malgré ça avec une moyenne avoisinant les 14 . Le 17 juillet 2012 je me rendis compte de l’ampleur du gras sur mon corps, je ne me reconnais plus… je ressemblais à ma mère ! Je ne veux absolument pas ressembler à un monstre pareil. J’ai atteint les 52 kg début décembre de la même année. s’est à ce moment-là que le centre a diagnostiqué » des troubles du comportement alimentaire » j’alterne maintenant phase de boulimie et d’anorexie.
Mon rapport avec mon corps est vraiment horrible je pleure en me voyant dans la glace, les relations intimes sont terribles À tel point que je ne ressens rien pendant l’acte j’attendent juste la fin pour pouvoir me retourner et enfin trouver paix dans les couvertures.
Je fais fuir les hommes avec ma maladie alors à chaque fois je suis de plus en plus blessé d’avoir laissé mon corps dans les mains d’un homme qui ne le mérite pas…
À présent j’ai accepté que je n’aurais pas de mère et de père même si celui-ci a repris contact avec moi et que je pouvais faire une croix sur ma petite sœur.
Je vis seule chez moi, et ma grande mère m’accueille en période noire…
Mon passé me hante, mon corps me dégoûte, mon visage aussi car il a quelques traits de ma mère, je me sens vide …
Comme si le temps c’était arrêter et que je restais bloqué sans avancer dans la vie sans but précis juste survivre dans ce monde de brutes.
Aujourd’hui j’ai froid, je pleure sans cesse, j’ai l’impression d’être sali a vie, d’être inutile, juste un boulet qu’on traîne par pitié, je veux pas de cette pitié … je porte encore des marques physiques qui me rappelle que j’ai voulu en finir pour être enfin libéré de cette souffrance.
Je n’ai pas manger de vrai repas depuis une semaine, la faim n’apparaît même plus, mon ventre vide se porte bien !
Je ne veux pas grandir
Il est 3h55 quand je commence à écrire ce texte. Je ne sais pas où je vais. Je ne sais pas de quoi je veux parler. Mais après avoir lu tout ces témoignages, tout ces morceaux de vies, je ressens le besoin, la nécessité de parler de cette douleur qui me transperce. Si tant de gens le font, c’est forcément que ça fait du bien.
Alors par où commencer, quand on ne sait pas ce qu’on veut raconter ?
J’ai 20 ans. Presque 21. Pourtant ma vie me pèse. Mon quotidien me pèse. Je ne sais pas qui je suis. Je ne suis plus une petite fille. Je refuse de devenir une femme.
45kg pour 1m75. Je refuse de devenir une femme.
J’ai envie de maigrir, quitte à en crever. Je veux maigrir, jusqu’à ce qu’il ne me touche plus. Jusqu’à ce que mon corps l’effraie suffisamment pour qu’il arrête de me toucher. Pourtant je l’aime, ce garçon. Et je si le lui disait, il ne me toucherait plus. Il attendrait ma permission. Mais je ne lui dit rien. Je le laisse me toucher, me désirer. Et je prend du plaisir, au fond. Parce qu’il est tendre, et que si je voulais, si j’osais, il s’arrêterait. Il me suffirait d’un mot, d’un geste, ou même d’un regard pour qu’il s’arrête.
Mais je ne dis jamais rien. J’essaye d’arrêter de penser, d’arrêter de me souvenir, et de me concentrer sur lui. Son visage, quand il me fait l’amour. Son regard. Sa main qui caresse ma joue, ses bras qui me serrent contre lui. Je ne ferme jamais les yeux longtemps. J’ai besoin d’être sûre que c’est lui, que c’est bien lui, à l’intérieur.
Mais quelques fois, ça ne suffit pas. Alors j’enfouis mon visage dans son cou, faites qu’il ne me voie pas pleurer, pitié, et j’attends. J’attends qu’il termine, alors que d’un seul mot, je pourrais mettre fin à ce carnage.
Ce mot, je ne le prononce pas. Jamais. Si je le prononçai, il s’inquiéterait. Il me poserait des questions. Et même s’il ne les posait pas, ça ne changerait rien. Parce qu’un silence, après ces mots, « arrête, je ne peux pas », ce n’est pas un vrai silence. Ce sont que des questions, qui remplissent sa tête, mais qu’il n’ose pas poser. Des questions sans réponses qui encombrent, et viennent tout bousiller.
Mais qu’est-ce qu’il t’es arrivé ?
Qu’est-ce qu’il t’a fait ?
Pourquoi tu n’oses pas en parler ?
Pourquoi tu ne me parles pas ?
Pourquoi tu es comme ça ?
Pourquoi tu es névrosée ?
De quoi as-tu peur ?
Mais je ne sais pas ce qu’Il m’a fait. Il y a quelques années, je ne me souvenais de rien. Ça fait deux ans que je me souviens. Presque trois. Au début ce n’était qu’un étrange sentiment, quelque chose d’indéfinissable. Aujourd’hui, c’est de plus en plus concret. Je vois des images. Je me vois toute petite, trop petite pour ces choses là. Mais comment être sûre ? J’aimerais que mon esprit ait inventé ça. Mais est-ce qu’on peut vraiment inventer ça ? Ce malaise, cette appréhension, à chaque rapport sexuel ? J’aimerais qu’on me dise que tout ça, c’est faux. Que ce n’est que mon esprit, qu’il me joue des tours. Mais pourquoi est-ce que je n’arrive pas à m’en persuader ? Et pourquoi, pourquoi, est-ce que je suis dans l’incapacité de dire « non » ?
Je refuse de devenir une femme. Je veux retourner à mon enfance. Avant que tout ça se produise. Au temps de l’insouciance, du bonheur simple, naturel. Je voudrais que ma maman me prenne dans ses bras. Qu’elle me console, comme elle le faisait quand je me blessais. Qu’elle fasse des crêpes, pour quand je rentre de l’école. Cette bonne odeur de crêpes, mêlé à une autre odeur, plus maternelle. La dernière fois que je l’ai sentie, je rentrais de l’école. J’étais heureuse de sentir cette odeur avant même d’entrer dans la cuisine. Pourtant, la cuisine était vide. C’est ce jour là, que je me suis rendue compte que j’avais perdue ma mère. Pour toujours. Cela faisait deux mois qu’elle nous avait quittés. Un accident. Un suicide. Peu importe. Pour moi, à 13 ans, c’était un abandon. Qu’elle l’ait voulue ou non, qu’elle l’ait prémédité ou non, c’était un abandon. Et je n’ai plus jamais réussi à retrouver cette bonne odeur de crêpes.
Alors non, je ne veux pas grandir. Je ne veux pas connaître le sexe, consenti ou non. Je veux juste rentrer de l’école. Faire un câlin à ma mère. Et manger une crêpe.