96 grammes.
C’est moins que ce que je mets de sucre quand je fais un gateau avec ma fille. C’est à peine le poids d’un bout de pain, ou d’un caillou. C’est rien.
96 grammes de mon corps, je ne le remarque pas sur la balance, ni dans un sens ni dans l’autre. C’est rien.
96 grammes dans mon corps, ca ne se voit pas et ca ne donne pas de coups de pieds, d’ailleurs ca pourrait peser combien un petit pied d’un 96 grammes? cette blague..Rien qu’on puisse sentir, alors 96 grammes, c’est rien.
Juste un nombre sur un papier au milieu d’autres nombres et de dates, au milieu de compte-rendu, au milieu de mots barbares, au milieu de photos de ces 96 grammes figés en noir et blanc, au beau milieu d’un dossier périnatal jaune à mon nom barré d’un grand trait en diagonale et d’initiales » FC » en grosses lettres en haut à droite pour te clore le dossier.
Ces 96 grammes, pendant exactement 11 semaines et 5 jours, ont habité mon corps, mon coeur et mon esprit.
Je regardais ce pauvre bout de plastique plein de pipi avec ses deux barres bleues et me disais que c’était la plus belle chose au monde.
Et je pensais Ikea, et où on va mettre son lit quand il n’habitera plus mon corps mais la chambre de sa sœur, et il faudra en acheter un nouveau pour la grande ou alors il faudra qu’on déménage?
Je pensais au prénom qu’on pourrait donner aux 96 grammes quand ils seraient devenus 3 kilos 5.
Et je pensais à un sexe, qui aurait résolu le dilemme body bleu ou body rose.
Et aujourd’hui, ces quelques chromosomes de sexe, ces ébauches de petites mains qui n’attraperont jamais les barreaux du lit Ikea, ce petit corps à grosse tête dont le cœur de battre s’est arrêté et qui ne portera jamais de body, ni bleu ni rose..ces 96 grammes sont dans le formol? dans les poubelles de l’hôpital, ou dans l’incinérateur?
Ces 96 grammes de « matériel » m’ont été aspirés, les parois de leur petite maison curetées, ils ont été analysés, ré-analysés, triturés, maltraités, jetés.
Aux oubliettes, les 96 grammes.
Et mon corps, qui a été berceau, puis tombe, est désormais vide.
« La Nature est bien faite, Madame. » Certes, mais quand le corps devient monstre et la vie devient un nombre qui n’évolue plus, je peux me permettre d’en douter.
96 grammes, c’est rien. C’est même pas le poids de mon pauvre petit coeur brisé.
Lilina.
courage ! courage :(
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Je cherche les mots, mais je ne les trouve pas. Ton histoire m’a bouleversée, car comme tu le dis si bien, 96 grammes, c’est si peu, et pourtant, c’était déjà tout pour toi. En tant que maman, je ne peux que comprendre ta douleur et je te souhaite que celle-ci s’allège, au fil des jours… Quand on vit la perte d’un enfant, même quand celui-ci ne pèse que quelques grammes, je pense que la dernière chose que l’on n’ait envie d’entendre soit que « la nature est bien faite ». Ton corps est loin d’être un monstre, la nature est parfois cruelle, elle frappe sans explications, sans raisons… J’espère que tu feras vite la paix avec ton corps, car ni lui ni toi n’êtes responsable de ce qui est arrivé.
J’espère ne pas avoir été maladroite dans mes mots. Je t’envoie tout mon réconfort possible et toute mon amitié.
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Beaucoup d’amour pour toi … courage …
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Ton texte me parle tellement…4mois post FC. L’inhumanité de certaines personnes soignantes , des phrases qui blessent : « Ce n’est pas très grave ce qui t’es arrivé », « Tu as fait quoi pour que ça arrive ? » Et un mois plus tard le RV de controle, le dossier jaune et la photo bien évidence et les pleurs devant un gynéco qui n’a pas vraiment les mots à part les mots techniques. « La nature est bien faite… »mais cruelle. Aujourd’hui j’y pense, à cette photo, à cette première:dernière écho silencieuse.. A me dire qu’il a bien existé….courage.
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Tu as écrit ce que je ressens depuis des années, mon gynéco a eu la brillante idée de me faire une écho en 3D (avec échange sanguin en couleur enfin je en sais plus trop)….. juste pour être sûr…. sauf que j’ai vu les images, la vidéo ….et mon coeur s’est déchiré………..
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On n’oublie jamais une telle expérience, mais le temps estompe la douleur.
J’ai fait une FC tardive à 6 mois de grossesse il y a 18 ans. Il m’arrive de me dire « il serait majeur, il aurait une copine, ou un copain, il passerait son bac », plein de projets, de choses du quotidien qu’on ne vivra jamais ailleurs que dans notre esprit, nos fantasmes.
C’est dur. Il faut se faire aider, soutenir pour surmonter cette épreuve. Et garder l’espoir qu’un jour, les 3.5kg soient là, en pleine santé.
Courage Lilina, vous n’êtes pas seule.
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Comme je te comprend, 96 grammes c’est pas grand chose mais sans eux on se sent complétement vide….
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Merci pour vos commentaires et encouragements.
Ca fait 5 mois post FC maintenant..j’ai cru au départ que ce serait vite derrière moi, 3 jours d’arret maladie et on repart comme si de rien n’était, on reprend les essais..puis je me suis aperçu que les 96 grammes étaient toujours dans ma tête..j’ai muri ce texte longtemps et ca fait du bien qu’il y ait une trace de ces 96 grammes quelque part dans la blogosphère..il ou elle a existé…
Pandora tes mots me parlent. Aujourd’hui, il aurait du me donner plein de coups de pieds. Dans 50 jours, j’aurais du accoucher..Aujourd’hui j’ai casé un rdv professionnel à la date de ce qui aurait du être mon terme. Bref.
Mais ma grande a fait sa 1ere rentrée. Comme quoi la vie continue meme si elle nous fait des sales coups.
Merci encore de m’avoir lue..
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Comme ton histoire résonne en moi…
J’ai vécu le même traumatisme, dans le 6ème mois de grossesse, à 496grammes.
Une 2ème grossesse très simple tout comme la première, sans problème qui à virée au cauchemard un 15 mars 2012, quand je n’ai plus sentie le bébé après une simple journée au travail…
Que la grossesse soit avancée ou non, la douleur est identique…
Seul le temps permet de l’atténuer.Malheureusemnt, on n’oublie pas, on apprend juste à vivre avec… Pour moi, la vie a repris le dessus sans que je m’y attende; 4 mois plus tard un nouvel étre avait décidé de venir nous donner espoir une nouvelle fois.
La grossesse a été très stressante car très médicalisée.Mais la vie nous a offert un magnifique petit garçon en avril dernier. Nous l’avons appelé Victor; il ne pouvait en être autrement…
je te souhaite de pouvoir à nouveau vivre l’expérience magique qu’est une grossesse.
Ton petit ange restera à jamais présent dans ton esprit.Il fait parti de ton histoire, ne l’oublie pas…
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Quelle que soit la manière dont ces quelques grammes s’en vont;
Quelle que soit l’avancée de la grossesse..
Qu’il y ait une bonne ou mauvaise raison de ces départs, j’ai toujours en tête et dans le coeur la perte de ce bout de choux que je n’ai pu garder car mon ainé avait besoin d’une évacuation sanitaire et devait rester dans un hôpital en France.
Cette douleur, je vis avec depuis 35 ans,ce vide, ce manque à toujours sa place dans en moi.
Bien sur d’autres merveilleux enfants sont arrivés et ont comblés de joie notre famille. Mais, mes « 96 gr » sont enfouis et reste à jamais mon secret et mon regret éternel.
Courage mes amies, il fait malgré tout bon vivre même avec nos « 96 gr » au fond du coeur
Martine
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Mon coeur se noue en lisant ces mots. Je ne saurais dire à quel point.
Courage
Tendres pensées
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Je suis nulle avec les chiffres. Eux et moi, on n’est pas très copains. Là, je ne me souviens plus du tout du tout combien de millimètres il faisait, il y a 4 mois, lors de cette première écho fatale. Et ça me donne envie de pleurer…
J’ai lu récemment « Philippe » de Camille Laurens : l’auteure a perdu son bébé pendant l’accouchement. Cette lecture m’a beaucoup aidée : elle a mis des mots sur ce que je ressentais, et je me suis sentie moins seule, tout à coup. Je vous en cite simplement les derniers mots, car ton témoignage a le même effet :
« J’écris pour dire Je t’aime. Je crie parce que tu n’as pas crié, j’écris pour qu’on entende ce cri que tu n’as pas poussé en naissant – et pourquoi n’as-tu pas crié, Philippe, toi qui vivais si fort dans mes ténèbres ? J’écris pour desserrer cette douleur d’amour, je t’aime, Philippe, je t’aime, je crie pour que tu cries, j’écris pour que tu vives. Ci-gît Philippe Mézières. Ce qu’aucune réalité ne pourra jamais faire, les mots le peuvent. Philippe est mort, vive Philippe. Pleurez-vous qui lisez, pleurez : que vos larmes le tirent du néant. »
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