Une question d’équilibre ?

globalité-équilibre

Il y a mon corps.
Et puis la perception que j’en ai.
Et puis le rapport que j’entretiens avec lui.

Je me le demande, parfois : tout ceci m’appartient-il ?
Vraiment ?

« Le corps est la prison de l’âme. »
Le corps donc ne compte pas ?

« Une femme doit être mince, jeune, belle. (Mais surtout mince). »
La femme n’est donc qu’apparence ?

« Sois dans la norme, et je t’aimerai. »
Il faut donc se conformer aux… « il faut » ?

Tributaire d’un « héritage corporel » historique, sociétal et familial, conditionnée par tant de messages contradictoires et perméable à ceux-ci, puis-je vraiment affirmer que mon corps m’appartient ?
Aujourd’hui, je me pose la question. Et la réponse est : non.

Lorsque j’étais enfant, mon corps n’était pas un problème. Lui et moi ne faisions qu’un, en toute simplicité.
C’est vers onze ans – débuts et prémisses de la puberté ; premiers complexes – que tout s’est compliqué. Détraqué.
Soudain, mon corps n’était plus moi.
Soudain, mon corps n’était plus sujet, mais « objet intellectualisé » : étudié, observé, critiqué, calomnié, insulté. Haï. Et parfois même nié. (« Ah oui, j’ai un corps. », pouvais-je parfois penser en sursautant de surprise à la vue de mon reflet dans un miroir.)
C’est qu’à la loterie de la génétique, ma famille et la société me firent comprendre que j’avais perdu. De peu, mais perdu. Pas de chance. Petite et ronde, légèrement a/normale, ne me restait donc – selon les messages incorporés – que l’esprit, l’intelligence pour exister. Mon corps, lui qui n’était pas tel qu’il aurait dû être, lui qui n’était pas tel que je le voulais et le rêvais (c’est-à-dire éthéré), devint « cet autre« . Et le dragon (trouble alimentaire, hyperphagie boulimique : un arbre cachant la forêt, forêt constituée d’un problème psychologique plus global) acheva de tout à fait nous séparer, déclencha la guerre.

Il doit y avoir environ trois ans, après une dizaine d’années de violents combats, mon corps et moi avons conclu une trêve. Fragile, délicate. Château de cartes.
Alors, depuis maintenant un an environ, j’essaie de trouver des solutions pour tout à fait nous réconcilier, lui et moi ; signer enfin le traité de paix.
Et c’est, à vrai dire, pour vous parler de cela que j’avais initialement pris le clavier pour écrire ce texte déjà long.

(C’est drôle. J’avais précédemment écrit deux textes pour ce blog. Deux textes que je n’ai finalement pas envoyés mais que j’ai relus, et qui m’ont permis de constater ce qui, dans mon rapport au corps, a évolué, et ce qui au contraire n’a pas changé.)

Non, mon corps aujourd’hui ne m’appartient pas, bien qu’au fil des ans je me sois un peu affranchie de ces héritages encombrants. Oui, même si j’ai fait le deuil de mon corps rêvé, que je ne hais plus le mien et que j’aime finalement assez l’habiller, je suis toujours très complexée. (Peau d’orange, grosses fesses, cuisses larges et épaisses, genoux gras, ventre flasque, bras pendants, et – pire du pire, cauchemar – bourrelets dorsaux : autant de défauts que je pointe dans le miroir.) Et une question, une grande question en tête : en fait, pourquoi maigrir ?
Au cœur de l’adolescence, la réponse était évidente : être mince rendrait ma vie meilleure et je pourrais enfin être heureuse. Mais aujourd’hui, épanouie dans ma vie amoureuse, amicale, sociale, professionnelle, étudiante ; pleine d’envies, d’aspirations, d’ambitions ; bref, aujourd’hui plutôt heureuse, pourquoi vouloir maigrir (au-delà de raisons de santé et de garde-robe)?

Longtemps, j’ai reproché à mon corps de ne pas me ressembler, d’être même mon opposé. Mais il y a quelques mois, j’ai commencé à sérieusement douter de cette impression.
Non, mon corps ne me plaît pas tellement et n’est pas celui dont je rêvais, mais… puis-je vraiment affirmer qu’il ne me ressemble pas ? Je n’ai pas choisit ma morphologie et mes prédispositions génétiques au surpoids, mais dans la marge qui reste (ce qui dépend de moi), mon corps n’est-il pas, bien malgré moi, une vitrine assez fidèle de celle que j’ai été et suis toujours, soit une jeune femme psychologiquement fragile ? L’état actuel de mon corps n’est-il pas, finalement, le résultat – un signe visible et implacable – des conflits intrinsèques qui m’ont tourmentée et me tourmentent encore parfois ?

Peut-être est-elle là, cette solution que je recherche. Peut-être faut-il que je cesse de me percevoir comme un être fait de deux parties, l’une intellectuelle, l’autre corporelle, et de réfléchir en terme d’(in)adéquation entre l’une et l’autre. Puisque de plus en plus, au quotidien, je sens que ces deux parties sont en fait intimement liées, imbriquées, qu’elles s’influencent mutuellement, peut-être faut-il que je me voie comme une globalité.
Alors… si, plutôt que d’agir sur l’une ou sur l’autre de ces parties (corps ou tête), j’essayais d’agir sur… l’ensemble ? Si, désormais, je me concentrais sur… l’équilibre de ce « tout » que je suis ? Que se passerait-il ? Pourrais-je enfin dire « oui, mon corps m’appartient, lui et moi ne faisons plus qu’un. » ?

L’équilibre. (Aequus, égal et libra, balance.)
Oui.
Peut-être est-ce là un bon (et nouveau) point de départ.

Mademoiselle Personne

Publicité

17 réflexions au sujet de “Une question d’équilibre ?”

  1. c ‘est un beau texte ! et une vérité que nous avons toutes beaucoup et faut penser aussi aux garçons, tu sais, pas évident aussi lorsqu’on a pas de tablettes de chocolat, ou lorsque on est pas dans le critère, heu critère qu’on nous impose ! j’ai regardé la fameuse emission belle et ses princes, d’un coté les beaux d’un coté les dits moches !!!!! pfffff, c’est idiot tout compte fait, on mise sur l’apparence comme les animaux et leurs belles plumes qui paradent, et pas sur le soi, la personnalité, si, certaines personnes percent, mais bon a la limite si té pas dans le criteres mais que tu es celebre et que tu as du fric, ! c’est possible d’etre aimé, et on s’en moque du physique,
    bref, ton texte moi je suis ok, tu sais, le pire c’est que jeune j avais des complexes, et maintenant je me dis, Mon Dieu, j’etais bete j’etais pas si moche que cela, malgré des defauts, surtout quand je vois des photos de moi avant, et a l’epoque je pouvais meme pas les regarder, mais mon regard a changé, alors je me dis, bon la je me trouve encore pas tres belle, mais si cela se trouve je me trompe, et ds cinq ans je dirai oh j’etais pas aussi horrible que je ne le pensai !
    mais c’est vrai pas évident de s’assumer, d’accepter son corps et ame, et pis la phrase que j’aime pas, oui mais tu es belle a l’interieur,
    moi j’ai eu des enfants et donc j’ai des sequelles sur mon corps, les vla mes complexes, et pis je vieilli je suis pas ou plus dans le top des nanas qu’on regarde, pfff desfois je me dis mais qu’est ce qu’on est bete on a la santé, deja c’est la preums chose, ensuite si on a la chance d etre aimée, meme avoir que un petit groupe d’amis, po po po, c’est genial, et une famille aimante ! moi je viens de perdre ma maman, et jai perdu a l’heritage ma fratrie qui s’est dechirée de facon ignoble que j’en dors pas, !!!! hier soir je pleurai encore et ce matin, j’en peux plus , jai meme pensé a me passer par la fenetre c’est pour te dire ! j’en suis réduit a etre une bouilllie, alors que je venais sur ce blog pour reconforter les dames en souffrance, c’est moi maintenant qui souffre,
    mais donc j’ai lu tes mots, tu vois l equilibre de tout ce que je suis » ces mots m’ont inspiré parceque j’avais besoin de les lire et de les entendre,
    j’ai du chemin a faire, oui pour accepter mon corps, les degats du temps, accepter le mal qu’on m’a fait et ne pas croire ce que l’on dit sur moi, m’estimer quoi, mais ca va etre dur,
    tu vois c’est toi qui rebouste les autres finalement !
    merci merci

    J’aime

  2. Mademoiselle Personne, j’ai juste envie de te dire que justement tu es « quelqu’un » et quelqu’un de sacrément intéressant à la lecture de tes mots ! Merci pour nous avoir fait partager cette belle réflexion :)

    J’aime

  3. Vous dites :  » bref, aujourd’hui plutôt heureuse, pourquoi vouloir maigrir (au-delà de raisons de santé et de garde-robe) ?  » = A mon avis, ce sont deux bonnes raisons qui ne sont pas négligeables… se vêtir et être en bonne santé !!! Belle réfléxion – très bien écrite. Mais quelle prise de tête si je puis me permettre !!!! Le genre de prise de tête qui vous empêche de vivre ou du moins d’apprécier le temps présent. Il est nécessaire de respecter les limites de notre corps effectivement par rapport à la prise de poids (la surcharge pondérale) : pour notre santé. De même, il est nécessaire de limiter les « surcharges de l’esprit » si je puis m’exprimer ainsi… Trop réfléchir ne m’a personnellement rien apporté sinon un mal-être et un isolement…
    Effectivement, l’équilibre est à trouver entre son corps et son esprit… Cessons de réfléchir et profitons des instants présents… Essayons de laisser de côté les questions existententialises du type  » qui suis-je et dans quel état gère  » !!!!!!…

    J’aime

  4. Une personne est un tout, une tête et un corps. Quand la tête pense un peu trop, elle prend le dessus sur le corps. Mais il faut apprendre, comme tu le dis si bien, à ré-équilibirer et ajuster pour que la tête ne prenne jamais le dessus sur le corps. Un seul ot : HARMONIE !

    J’aime

  5. Etre mince ne sert pas à être heureuse, ou du moins ne suffit pas. L’essentiel comme tu le dis, c’est l’équilibre, c’est dire qu’on est un. Pour retrouver cette unité, il est bon aussi de se concentrer sur le monde qui nous entoure, d’un point de vue physique et pas seulement intellectuel. Pas forcément sur les gens, mais sur le reste. Ressentir pleinement notre environnement, que ce soit la ville ou la nature: les odeurs, les formes, les sons, les couleurs… Se réapproprier ce que l’on oublie trop souvent de voir dans notre société actuelle. Beaucoup de gens (pas que des femmes) vivent cette séparation entre le corps et l’esprit; cela vient aussi de notre façon de vivre, de voir et de sentir. Nous vivons trop vite, on nous plonge dans un monde préfabriqué, un monde d’illusions imposées. Il faut sortir de tout cela. Regarder, vraiment, réellement. Ressentir avec tous nos sens. Et ainsi notre corps existe et devient objet de plaisir, donc lié à notre esprit.

    J’aime

  6. Voici déjà quelques jours que ce texte a été publié, je réponds sans doute aux commentaires un peu tard mais… je voulais juste écrire que je suis contente si mes mots ont pu faire un peu de bien à certain-e-s et/ou s’ils ont pu amener un début de réflexion.

    Bénédicte: merci de votre petit mot. Pour revenir sur ce surnom, « Mademoiselle Personne », j’ai en fait emprunté l’expression à une auteure Suisse (Corinna Bille), et plus précisément aux mots de son mari (Maurice Chappaz) pour décrire le personnage dont il est question. Je cite: « Mademoiselle personne, c’est-à-dire quelqu’un toujours en train de naître […] ». Je trouve que c’est un joli moyen de se définir.

    Miaclo: je suis d’accord avec vous, quelle prise de tête! « Malheureusement », je fonctionne comme cela depuis que je suis enfant, et ne peux pas faire totalement abstraction de toutes ces « surcharges de l’esprit », pour reprendre vos termes. Cela dit, heureusement, cela ne m’empêche pas (plus) de vivre le moment présent. (Au contraire, même!)

    Sandrine: oui, harmonie est aussi un joli mot =)

    Magali: merci de votre commentaire, je suis entièrement d’accord avec vous, de cette importance de percevoir le monde non pas seulement avec l’esprit mais aussi avec les sens. C’est intéressant, vos mots me donnent à réfléchir: je suis très attentive au monde qui m’entoure et consciente que ma perception passe par mes sens, pour autant c’est comme si je n’étais pas consciente « corporellement », du moins j’ai l’impression. C’est très étrange. Peut-être s’agit-il là d’une nouvelle piste à creuser pour davantage habiter son corps, ne faire qu’un avec lui?

    J’aime

  7. Super beau texte !!! Beaucoup de choses ont déjà été dites dans les commentaires ci-dessus. Mais juste… merci ! Et puis bonne réconciliation à ton corps et toi !

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s