Journal de mon corps

J’ai acheté le dernier Pennac. Journal d’un corps. Si je tenais le mien, de « journal d’un corps », ce serait « Aujourd’hui, j’ai mal. ». « Aujourd’hui, j’ai moins mal qu’hier ». « Aujourd’hui, j’ai eu du mal à marcher ». Du mal, du mal, du mal. Répétitif et au final, pour tout dire ennuyeux. Ce serait ça, le journal de mon corps.

Tout ça à cause de cette fichue maladie inguérissable, qui ne se voit pas et que du reste je ne veux pas qu’on voie. Je ne me plains jamais. J’en parle peu. J’en ris parfois. Seuls ceux qui me connaissent et qui savent voient – pas toujours, j’ai appris à cacher, à serrer les dents – quand je vais plus mal, quand j’ai plus mal que d’habitude. Le mot « douleur » rythme ma vie. Mon corps est une immense douleur.

Fibromyalgie. Elle s’appelle fibromyalgie, ma maladie. C’est joli, c’est doux, ça vient du grec. Elle touche un million de personnes en France. Mais elle est « orpheline ».

Mon corps, longtemps, a été un étranger. Comme le corps d’une autre. Que j’aimais bien pourtant. Qui me donnait du plaisir. Beaucoup. Et puis un jour, urgences, examens… Rien. Il a fallu trois ans pour qu’on mette un nom là-dessus. Je ne sais même pas combien d’examens on m’a fait durant ces trois années-là.
Finies les fêtes, finis les amants de passage. Je suis sage par force. Une soirée au resto ? Un concert ? Deux mois de « récupération ».
Mon fils, que j’ai eu après, toute seule (ou presque!) m’a dit l’an dernier qu’il croyait que j’allais mourir. Merde. Mais bien sûr que non!Tout reste stable, bon sang ! Juste le cerveau qui un jour – Pourquoi ? Mystère… – se met à déconner. Huit ans que ça dure. Je mesure tous mes gestes. Je pousse au maximum, mais jamais trop loin. Je serre les dents. Et je suis fatiguée. Tout le temps. Douleurs. Intolérance au bruit. Intolérance au stress.
Je faisais de la danse. Finie, la danse.

Bizarrement, depuis mon corps ne me paraît plus étranger. C’est lorsqu’on perd – même symboliquement – quelque chose qu’on mesure sa réalité, son importance. Je ne suis même pas jalouse des autres. Je compatis à leurs petites douleurs provisoires. Et je tais les miennes. Je viens du pays du rugby, ça doit forger le caractère.
Je suis en colère. Très souvent. Ça me fait avancer, aussi. Ça m’empêche de m’apitoyer. Colère et humour, c’est important. Je ne peux même pas frapper dans quelque chose dans mes accès de rage ! Je m’arrête avant, j’ai trop peur.

Mon corps a mal, mais c’est le mien. Je le hais et je l’aime.
J’occupe ma place dans ce monde.

Zeneida

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7 réflexions au sujet de “Journal de mon corps”

  1. bonjour,

    aujourdh’ui il y a eu ici trois ecrits, je me dis, oh la la , comme j’aimerai tout changer le monde,

    ta maladie je la connaissais pas, enfin vaguement, je tiens un blog de petits billets diverses et une dame justement souffre de cela

    desfois je la vois plus , car elle va a l’hosto

    elle m’a raconté ce mal, et je sais que c’est difficile

    on te sent une sacré femme ! mais bon doit yavoir des raz le bol aussi,

    moi je suis migraineuse, affreux, aura, mais la douleur, oh la la desfois je me dis je comprend les gens qui disent ‘ qu’on en finisse »
    et bien moi j’ai la chance tout de meme que la migraine dure deux jours, bon elle peut revenir plusieurs fois ds le mois

    mais j’ai de la chance, et je comprend ta douleur, j’imagine ce que cela fait,
    enfin j’imagine et je dois meme etre a coté de ce que tu ressent

    en tous les cas, tu m’impressionnes, , pfffff,

    la dame du blog m’avait parlé d’une assoss pour la maladie, je sais pas si tu connais

    bisous

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    1. Non, je ne connais pas d’assos. C’est vrai que c’est une maladie finalement peu connue, et que beaucoup de gens considèrent encore comme psychologique – mais ce n’est pas vrai. Deux choix: soit on tombe dans la dépression, soit on décide de se battre. Pour l’instant je me bats encore, mais c’est vrai que des fois, c’est très dur.
      La migraine est quelque chose de terrible aussi.
      Merci pour ta réponse, et bon courage aussi.
      Bisous

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  2. Chère Zeneida,
    Merci pour ce témoignage poignant. Vous m’avez tant émue par ce récit de votre combat quotidien. Votre maladie est d’autant plus vicieuse qu’elle est « orpheline » et donc peu connue et étudiée. Les chercheurs investissent dans le « rentable », dans ce monde sans valeurs. Les gens ne la reconnaissent pas non plus, si vous aviez un ulcère ou une jambe cassée, tout le monde compatirait, là, vous ne vous exposez qu’à l’incompréhension, dans le meilleur de cas.
    J’espère qu’un jour on trouvera tout de même un traitement…
    En attendant, toute mon admiration et mon soutien…se sentir impuissant devant la souffrance est dur aussi.
    Juste une petite suggestion, même si votre colère vous permet de tenir, n’auriez vous pas envie de la sortir de vous, par un cri, des pleurs…ou bien autre chose.
    La colère est un poisson du cœur… mais c’est vous qui voyez.
    Toute ma tendresse…

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  3. Ils ont mis 18 ans à me diagnostiquer, cela fait 20 ans maintenant, que j’en souffre.. J’ai 35 ans, deux enfants.. et des journées compliquées ^^
    En cas.. une chose qui m’aide jour après jour, les bouillottes directement sur la douleur : cela atténue ou empêche l’expansion. Pour d’autres j’ai cru comprendre que le froid les aidait, moi ça empire ^^ Le corps fait vraiment ce qu’il veut :)

    Bonne continuation, continue d’occuper ta place dans le monde :)

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    1. Tu étais drôlement jeune… C’est terrible…
      Ma kiné me met des bouillottes aussi, c’est vrai que ça soulage, au moins un moment.

      Bon courage à toi.

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      1. N’hésite pas à le faire chez toi : j’ai deux bouillottes (une grande et une plus petite) et pour les urgences qui ne peuvent attendre que de l’eau chauffe, j’ai fait deux chaufferettes en noyaux de cerises (ça s’achète un peu partout sinon) que j’humidifie un peu et passe au micro-ondes. J’ai aussi trouvé à Liddl (ils ont de ces choses régulièrement) une petite couverture chauffante spécialement pour le dos. Sincèrement, cela rend les journées un poil plus douces et cela n’a vraiment rien de négligeable.

        Une astuce pour l’hiver d’ailleurs, je chauffe les noyaux de cerises avant de sortir et maintien ainsi mes mains au chaud un bon moment :)

        Ce genre d’astuces peuvent changer le regard sur ses journées ;)

        Merci, bon courage à toi également ; et si tu sens que tu baisses les bras, tourne-toi vers quelqu’un (un site, un forum, un ami compréhensif, un blog qui en parle et qui donc comprendra, etc..). Le moral a la plus grande importance dans cette foutue maladie.

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