Un jour j’ai marché grâce à de longues jambes. J’ai été grande et fine, même presque trop. J’ai eu une petite poitrine mais personne ne s’en est jamais plaint et de longs cheveux noirs et bouclés ont couvert mes larges épaules. De mes origines espagnoles j’ai hérité de généreuses hanches et de bonnes cuisses et je me suis entendu dire souvent que j’avais de belles fesses. Je n’étais pas la plus jolie mais j’avais toute la splendeur de mes seize ans, quand le corps oscille entre la fillette et la femme, qu’il n’est plus ni tout à fait lui même, ni tout à fait un autre. Je ne savais d’ailleurs pas moi même qui j’étais, en équilibre instable au bord d’un précipice dans lequel je suis finalement tomber.
La chute fut rapide. Des phares dans la nuit, un froissement de tôles, la nuque écrasée et la moelle épinière en bouillie.
La jeune et jolie adolescente que j’étais est morte dans ce gouffre.
A l’aube de mes dix-sept ans on a rasé mes longues boucles noires pour me visser le crâne à un poids de 2 kilos. On a percé ma gorge pour y introduire la canule qui allait me permettre de vivre. On a troué les côtés de mes petits seins pour y enfiler des drains et vider mes poumons emplis d’une eau mortelle. On a fait descendre par mon nez et jusqu’à mon estomac un long serpent nourricier. On a piqué mes bras de mille aiguilles salvatrices.
La femme tétraplégique que je suis est née dans ce service de réanimation.
Depuis je ne marche plus et mes jambes se sont amaigries. Je suis toujours aussi grande mais seulement allongée car assise dans mon fauteuil je suis constamment la tête en l’air et j’observe le monde comme une enfant de 8 ans. Ma poitrine s’affaisse sur les côtés de mon torse et mes longs cheveux noirs et bouclés cachent lalongue cicatrice qui orne désormais ma nuque. Mes hanches et mes fesses s’étalent sur mon coussin anti escarres et on ne me complimente plus sur elles. Je ne suis toujours pas la plus jolie et je suis loin d’avoir toute la splendeur d’une femme de 34 ans, quand le corps est encore beau malgré le temps qui passe.
J’ai longtemps détesté ce corps immobile, inconnu. Je l’ai regardé avec mépris, je l’ai maltraité par omission, le laissant à l’abandon comme un jardin que l’on n’entretient pas. Je l’ai trouvé encombrant, moche, inutile, dérangeant et j’ai souvent préféré rester seule plutôt que de l’imposer aux autres. Il y avait moi et il y avait lui. Moi et ce bout de chair …
Et puis il est arrivé une chose. Un événement que seul mon corps pouvait gérer et pour lequel il a bien fallut que je lui fasse confiance. Niché au fond de ce ventre flasque un petit être s’est installé.
Sans encombres, naturellement, facilement, par voie basse, comme vous toutes, comme une femme, ni handicapée, ni inutile, ni encombrante ou dérangeante … Deux fois j’ai mis au monde un bébé.
Deux fois. Deux filles.
Alors je me suis un peu réconciliée avec lui. Un tout petit peu. Suffisamment en tous cas pour continuer, avoir envie de m’ouvrir, me revendiquer comme mère et femmeavant toute autre chose. Et oser partager mon histoire avec vous. Et à ceux que cela dérange je citerai une phrase, juste, d’Elisa BLANDAU « Que les voyeurs passent leur chemin, j’étale, certes, mais c’est pour construire ».
je voudrais dire quelque chose… mais rien ne pourrait être à la hauteur de ton témoignage… Merci <3
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Quoi vous dire..que vous avez certainement la paires de couille et le courage que la plupart des hommes n’auront jamais..votre texte est effroyable mais tellement réaliste et magnifique à la fois..vous avez ce que bcp non pas et ne sauront jamais avoir..Bonne continuation à vous. Bises de Normandy
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juste un merci <3 beaucoup de courage
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Superbe… Tu as la splendeur de ton courage.
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Magnifique témoignage…. Une belle façon de décrire tout ça, j’en verrai bien un livre. Tant j’ai envie de lire la suite, la façon dont vous savez mener votre vie et vous battre pour des choses parfois banales pour nous, humains debout. Bravo.
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Un très beau texte qui donne la chair de poule, tant il est à la fois effroyable de chagrin, de poésie et d’amour à la fois. Vous êtes admirable de force vitale, et vos filles ont de la chance de vous avoir comme mère.
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Je suis très fière de toi , J’ai jamais dit devant toi, mais tu es une grande Femme. J’admire ton courage de parler… Un gros bisous*
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Rarement j’ai été tant touchée par un témoignage. Vous n’étalez pas votre douleur indicible, vous en parlez avec pudeur et une envie de construire, envers et contre tout.
La vie vous a détruite mais vous vous êtes relevée. Quel magnifique être humain, quelle âme courageuse…
Les mots me manquent aussi…trop émue.
Merci de tout cœur, vous êtes un exemple pour nous toutes.
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merci a toi mon amie!!!!j’adore ton ecriture!!tu racontes ton histoire que je connais !!!mais la……tu me touches encore plus!!!big kiss
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C est les larmes aux yeux que je souhaite simplement de dire merci de partager avec pudeur cette indicible douleur mais aussi la beauté de devenir mère !
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Merci à tous et toutes pour vos commentaires. Merci d’avoir fait écho à mes mots :)
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une belle écriture.. un témoignage de l’altérité, du courage, d’une histoire forte et personnelle. merci d’avoir suscitée autant d’intérêt chez moi par tout ca..
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Ton écriture est douce et brutale, elle ne cherche pas à s’échapper, elle affronte…un livre, pourquoi pas… en tous cas ne pas perdre de vue ce que la force de tes témoignages peut apporter aux autres, ne pas renoncer à dire, à écrire, à partager…tu ne peux qu’enrichir ceux qui croisent ta route !
Emmanuelle.
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tres beau temoignage
beaucoup de courage bravo
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je ne sais quoi dire tres beau temoignage
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beau témoignage et quel courage
ma soeur était comme toi, un corps immobile, elle gardait pourtant son humour et sa volonté. Mais un jour,un médeçin décida de la faire passer sous curatelle renforcée et la juge des tutelles bien sur a accepté pourtant elle gardait toutes ses facultés mentales, savait communiquer et dire ce qu’elle voulait. Une juge l’a enfermée dans un monde où elle n’avait quasiment plus de droits, même pas le droit de dire non à cette déçision et elle n’est pas la seule. Depuis je me bats contre cela
Revendique toujours:)
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C est magnifique !
courage et tu es belle et forte ça forge mon admiration
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