Je suis en train de faire un lit, encore.
J’ai été embauchée comme femme de chambre, ce n’est pas une vocation : je suis une artiste. Mais c’est difficile de vivre de son art, alors comme mes allocs arrivent à leurs fin j’ai trouvé un boulot.
J’ai mal au dos, aux pieds. Je cours depuis plusieurs heures entre les chambres, pressée. Nous sommes payés à la chambre vous comprenez. Les gestes sont automatiques, mon esprit s’évade.
J’ouvre un drap, j’ai mal aux pouces. J’y trouve un des longs cheveux de Samira, une de mes collègues. Malgré son voile j’en trouve tous les jours, ça me fais sourire. La quarantaine, maigre, droite. Elle fait une vingtaine de chambres par jour, elle a une famille à nourrir. Elle ne rigole pas, sauf quand je galère à trouver la bonne taille de drap sur le chariot. Je l’aime bien Samira.
Bon maintenant la salle de bain, on ne nous fournis pas de gants ni de chiffon. On utilise la même éponge pour les tables et les wc, les taies d’oreillers des lits que nous venons de défaire nous servent à essuyer les sanitaires et à faire les poussières. Je me bat contre le part douche, j’ai horreur des parts douches ! Il faut se courber dans la cabine, traquer les traces de gouttes. Je dois toujours m’y reprendre à deux fois, je perds un temps fou. J’ai mal au dos. Heureusement Svetlana passe par là et viens à mon secours.
Svetlana, elle, elle sourit tout le temps. Elle attache toujours ses longs cheveux blonds en chignon hirsute sur le sommet de son crâne, ça lui fait une antenne marrante. Dans son pays elle était professeur, maintenant on récure les toilettes ensemble.
J’entends râler dans le couloir, c’est Raymonde, la gouvernante. Elle gueule après Alice parce qu’elle met trop de temps à faire les lits. Elle m’envoie lui filer un coup de main, à deux ça va beaucoup plus vite mais c’est une méthode qui nous pénalise (on nous compte moins de chambre). Alice c’est une artiste elle aussi, elle me glisse à voix basse qu’elle à piqué un sèche cheveux et qu’elle va se barrer : elle reprend ses études. Raymonde viens me chercher : il faut que je refasse le part douche de la 12, fait chier !
Elle me précède, ses mollets me fascine, musclés à l’extrême à force de parcourir les étages du trois étoiles. J’ai perdu 6 kilos depuis que j’ai commencé. Raymonde est aigrie, je la comprends. Bref, ce part douche à la con, se baisser frotter, merde j’ai oublié ma taie sur le chariot à l’autre bout du couloir, courir le chercher, revenir. J’aurais du finir le boulot il y a deux heures, j’ai pas eu le temps de prendre de pause, j’en ai marre et j’ai des ampoules. On à pas le droit de mettre des baskets, seulement les ballerines, j’ai les pieds en sang régulièrement.
Fin de la journée, il faut charger les draps et serviettes sales sur le rolls et le descendre à la cave. On charge avec Alice, les sacs verts -les serviettes- c’est le pire, comme elles sont mouillées c’est hyper lourd, on s’y reprend à trois fois pour le porter, putain que j’ai mal aux pouces.
Ascenseur (Ô joie ! les transports de chariots et de rolls c’est les seuls moments où on à le droit de prendre, on se tape les 5 étages à pieds sinon) , on dépose notre chargement à la cave et on va faire valider nos fiches. « Toi je te compte 10 chambres » « Tu rigole j’en ai fait plus que ça ! » « on t’a aider … » et merde … Pas envie de lutter, je veux me casser, enlever mes chaussures et voir mon môme.
J’enlève ma blouse rayée, passe par l’accueil signer le registre, sourire aux clients : « Bonnes vacances ! »
Et oui y’a des boulots comme ça… et encore tu n’es pas aide soignante… t’as pas les couches/vomis/sang à nettoyer !
Bon courage, ça mets du beurre dans les épinards, c’est déjà ça !
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ça remet un peu les idées en place… quand on se plaint d’être au bureau… Bon courage…
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Je trouve ta féflexion sur les aides-soignantes un peu déplaisante… et oui je suis aide-soignante et le nettoyage de vomi ou le changment de couches comme tu dis n’est qu’une facette du métier et surtout loin d’etre dégradant… comme le métier de femme de chambre…
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Oh non non pomme, surtout pas, je me suis mal exprimée (pas facile par écrit) au contraire, je voulais dire que le travail d’aide soignante est encore plus difficile… quand plus du physique il faut avoir le mental qui va avec car il faut aussi « prendre en charge » l’humain.
Et je n’ai jamais dis que c’etait un métier dégradant, je suis infirmière et je sais à quel point dans les services vous êtes indispensables et comme souvent on ne vous le rends pas très bien….
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Je suis rassurée de voir que ce n’était qu’un mal entendu… Comme tu peux le voir, mon métier me pasionne et ton poste m’a fait réagir!!! Désolée…
Au delà de tout ca, j’aimerais aussi simplement dire qu’il n’y a pas de métier dégradant (et je ne dis pas cela pour toi moonypouce) et qu’il faut garder la tête haute et être fière de soi.
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Je suis entièrement d’accord avec toi. Avant d’être infirmière, j’ai bossé en interim dans des usines (parfums entre autres) et bien les gens qui bossent là bas depuis des années (souvent parce qu’ils n’ont pas d’autres choix) je peux te dire que je les respectais, car le travail est usant.
Et ma petite sœur fait femme de chambre dans des villages de vacances pendant les vacances scolaires… je peux dire que quand elle me racontait l’attitude des gens et la crasse que certain laisse, plus ce que décrit « j’ai mal aux mains » ce sont vraiment des boulots difficile.
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Très beau et émouvant article. Oui, votre métier est difficile, vous n’êtes pas faite pour cela. Je vous comprends d’autant mieux, qu’en tant qu’immigrée, j’ai eu à mon arrivée en France 10 ans de galères un peu semblables.
J’espère qu’il vous reste des forces pour votre création, courage, vous vous en sortiez.
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Ben sinon, va bosser à l’usine.
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Quand j’entends votre témoignage, j’ai qu’une envie connaître le nom de l’hôtel qui ne paie pas le travail à sa valeur réelle. Votre travail est difficile et ne pas prendre en compte le temps reel que necessite une chambre, c’est scandaleux. Vous faire croire que votre travail ne vaut rien alors que sans vous d’autres travailleurs ne pourraient profiter de bonnes vacances. Faire le ménage n’est pas dégradant, c’est la façon dont on vous traite.
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un très beau texte, plein de dynamisme! on sent malgré la dureté du travail au quotidien, quelque chose de doux dans tout ca, bien au fond, je pense que c’est bien au fond de Vous en fait. Bon courage!
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Un petit air d’Anna Gavalda ce texte… quand la fiction est en fait la réalité… Regardez bien vos voisins, on ne sait jamais…! « Ensemble, c’est tout » !!
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L’humain qui est derrière l’employé est trop souvent oublié.. On ne pense plus qu’au rendement :/
Bon courage !
Je suis assez choquée par le « On utilise la même éponge pour les tables et les wc, les taies d’oreillers des lits que nous venons de défaire nous servent à essuyer les sanitaires et à faire les poussières » aussi, les risque sanitaires et l hygiène….hum…
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Je me reconnais tellement dans se témoignage
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